Depuis quelques jours, toutes les préoccupations, toutes les pensées se concentrent sur le drame judiciaire qui se déroule devant la pairie. Cet intérêt exclusif nous a rappelé ce qu’écrivait Mme de Sévigné à propos du procès de Fouquet : « On ne parle d’autre chose, mandait-elle à M. de Pomponne, on raisonne, on tire des conséquences, on compte sur ses doigts, on s’attendrit, on craint ; on souhaite, on hait, on admire, on est triste, on est accablé. » Moins l’admiration, ces sentimens divers ont agité la conscience publique. Cette fois, la curiosité maligne qu’éveillent d’ordinaire les procès fameux a fait place à une douleur sincère, à une tristesse profonde. Le rang des accusés, la gravité des charges qui pèsent sur leur tête, la lutte inévitable qui, en dépit de leurs premières intentions, s’est engagée entre eux ; le contraste de leurs caractères, tout a concouru à porter à son comble l’émotion de chacun. Voici un lieutenant-général, pair de France, ancien ministre, placé entre deux accusations, dont l’une l’eût couvert d’ignominie, si elle eût été confirmée. Heureusement elle s’est évanouie. Tout le monde a respiré quand il a été prouvé que, si des préoccupations déplorables avaient poussé dans de grandes fautes un militaire qui avait porté, non sans honneur, l’épée du commandement, du moins le général n’avait pas à rougir d’un de ces actes que l’opinion ne pardonne pas, ne peut pas pardonner. A côté de lui, nous trouvons parmi les accusés un homme qui avait été élevé à l’une des premières dignités de la magistrature et qui a siégé aussi dans les conseils de la couronne. Celui qui est tombé de si haut dans un affreux abîme s’y est débattu avec une inconcevable énergie. De quelles ressources n’a-t-il pas fait preuve dans son interrogatoire ! quelle inépuisable verve d’avocat ! Les réponses de l’accusé formaient autant de plaidoiries successives. Plus l’accusation devenait pressante, plus elle gagnait de terrain, plus l’orateur qui cherchait à la re-