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consommation et de production, c’est-à-dire de richesse, due au système financier qui a été suivi.

Sans doute une pareille progression a des bornes, et il ne faudrait pas espérer qu’elle pût se prolonger indéfiniment ; mais rien ne permet de supposer que la limite soit sur le point d’être atteinte en France. Bien loin de là, quand on jette un coup d’œil sur notre immense et magnifique territoire, et qu’on estime par la pensée tous les trésors qui y sont encore enfouis et qu’une administration intelligente peut en faire sortir, on est beaucoup plus tenté de trouver qu’on ne marche pas assez vite que de se plaindre qu’on va trop loin. Depuis 1830, la valeur des propriétés rurales, pour ne parler que de la terre, qui est en définitive l’intérêt principal, celui qui sert de base à tous les autres, s’est accrue généralement dans une proportion considérable. Sur le plus grand nombre de points, cette valeur a tiercé ; sur d’autres, elle a doublé et même triplé. Qui peut calculer ce que les chemins de fer ont déjà ajouté et ajouteront encore à la valeur des propriétés particulières le long de leur parcours ? Que de produits sans valeur, faute de débouchés, en ont acquis par ces communications perfectionnées qui suppriment l’espace et le temps, et qui ne sont encore, on peut le dire, qu’à leur début !

En présence des efforts inouis que fait tout le reste de l’Europe pour se couvrir de chemins de fer, en présence des résultats admirables obtenus en Angleterre par les lignes en exploitation, il n’est vraiment plus permis de reculer, et nous regrettons vivement, sous ce rapport, la préoccupation d’économie qui a porté la commission du budget, et après elle la chambre, à retrancher une portion considérable de l’allocation demandée pour les travaux publics de 1848. Nous savons que ce retranchement s’atténue par l’effet des sommes non employées sur les exercices précédens, et qui seront reportées sur l’exercice 1848 ; mais cette considération ne nous paraît pas suffisante pour justifier la mesure provoquée par la commission du budget. Tout ce qui peut gêner ou retarder l’exécution des travaux publics commencés, et particulièrement celle des chemins de fer, est une perte plutôt qu’un gain. Non-seulement on ajourne l’époque où les populations entreront en jouissance des avantages de tout genre que leur promet l’ouverture d’une ligne en exécution, mais encore l’état perd le revenu des capitaux engagés dans cette ligne, tant qu’elle n’est pas terminée. Un chemin de fer qui n’est pas fini est un obstacle à la circulation ; c’est un embarras et non un secours. Il faut donc finir, et finir vite ce qui est commencé ; tous les intérêts y sont engagés. Un amendement avait été présenté dans ce sens par M. Léon Faucher ; il n’a succombé qu’à un petit nombre de voix. On voit que, cette fois encore, les propositions d’augmentation dans les dépenses sont venues de l’opposition, et ce n’est pas nous qui lui en ferons un reproche.

Il serait d’ailleurs chimérique d’espérer que, lorsque les travaux publics ordonnés par la loi du 11 juin 1842 seront finis, il sera possible de s’en tenir là. On ne s’arrête pas dans cette voie, quand une fois on y est entré. Il s’en faut bien que, dans la distribution des lignes de chemins de fer, toutes les parties du territoire aient eu leur contingent naturel. Des portions notables du pays ont été mises à l’écart ; on se tait aujourd’hui à cause des difficultés momentanées p’a fait naître l’exécution de tous ces travaux à la fois ; mais, dès que ces