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le Paso-Real. Cette division se composait de 300 cavaliers et de 2,800 hommes d’infanterie, avec 18 pièces de canon et les chariots des settlers chargés de provisions de bouche et de munitions de guerre. L’invasion était flagrante ; cependant le général Taylor crut devoir protester encore de ses intentions pacifiques et écrivit au général Mejia une lettre datée, avec une visible affectation, du camp près Matamoros (Texas)[1] ; cette lettre officielle réclamait du général mexicain la remise des deux prisonniers faits par Falcon ainsi que de plusieurs déserteurs qui avaient passé à l’ennemi. Le général Worth chercha, comme le général Taylor, à déguiser l’invasion, à la présenter comme un mouvement pacifique. Peu d’instans après avoir établi son camp sur le territoire mexicain et presque dans les faubourgs de Matamoros, il fit arborer par un de ses officiers un pavillon blanc de parlementaire. Ce pavillon à la main, l’officier galopa long-temps sur le bord du fleuve avec force démonstrations amicales, et appelant affectueusement le général Mejia par son nom. Le général se retira pour ne pas être vu. Cependant, les signaux continuant sans interruption, Mejia crut pouvoir dépêcher un colonel et deux capitaines. Dans cette entrevue, on insista pour que le général lui-même se prêtât à une conférence avec Worth ; mais le général Mejia répondit qu’il ne se présenterait qu’à la condition de conférer avec le général en chef Taylor. Ce fut le général don Romulo Diaz de la Vega qu’il dépêcha à la rencontre de Worth. Le choix de cet officier supérieur comme négociateur était excellent. Par un certain fonds d’honneur chevaleresque, don Romulo de la Vega était fait pour s’entendre avec Worth, dont les manières courtoises et l’esprit cultivé contrastaient singulièrement avec la rudesse du général Taylor. L’entrevue cependant n’aboutit qu’à préciser et non à modifier la situation. Il fut constaté que le général Taylor avait occupé la rive gauche du Rio-Bravo par ordre du gouvernement des États-Unis. Cette occupation devait se prolonger jusqu’au jour où la question des limites serait résolue ; elle était d’ailleurs toute pacifique, et, loin de troubler la paix entre les deux nations, les généraux américains désiraient continuer à cultiver des relations d’amitié qu’ils étaient loin de regarder comme rompues. Le général Vega répondit que l’occupation par l’armée américaine d’une grande partie du territoire mexicain de Tamaulipas devait être et était en effet considérée comme une déclaration de guerre, et qu’on ne pouvait établir aucune espèce de discussion tant que le pavillon étoilé flotterait sur le territoire de la république. Worth insista, il essaya encore de persuader au général Vega que le mouvement des troupes américaines ne devait en aucune façon être réputé comme une démonstration hostile ; mais Vega notifia d’une façon péremptoire que si l’armée

  1. Matamoros est en réalité dans l’état de Tamaulipas.