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inférieure en nombre et composée d’élémens hétérogènes, pouvait être facilement écrasée. Cependant, depuis le passage du Rio-Bravo jusqu’au 1er mai, plusieurs jours s’écoulèrent marqués tantôt par des engagemens insignifians, tantôt par une inaction complète. Un général connu au Mexique par ses prétentions ridicules, don Jose-Maria Tornel, sollicitait et obtenait pour le commandant Quintero, atteint d’un coup de sabre dans l’une de ces escarmouches, l’autorisation de porter à son bras blessé un écu d’azur orné d’une pompeuse inscription. Ces niaiseries fournissaient aux journalistes mexicains des thèmes qu’ils amplifiaient avec leur jactance habituelle. Enfin une fausse ou perfide manœuvre du général Arista vint aggraver le mal produit par le temps perdu.

Le 30 avril, dans la nuit, Arista fit passer le fleuve à la première brigade d’infanterie, commandée par le général Ampudia, et le 1er mai, à midi, il le traversa lui-même à la tête de la seconde brigade. Les deux corps d’armée avaient franchi le Rio-Bravo à Longoreño, à trois lieues à peine en aval de Matamoros. Cette opération entraîna le déplacement des généraux Torrejon et Canales, qui durent (et l’on ne sait comment expliquer cet ordre d’Arista) se porter au gué de San-Rafaël pour protéger le passage d’Arista et d’Ampudia. Ainsi fut perdu tout l’avantage d’une position qui isolait l’ennemi de son quartier-général. Les Américains allaient pouvoir de nouveau communiquer librement avec la pointe de Santa-Isabel ; ils allaient tirer de leur escadre les vivres dont ils manquaient, rappeler leurs réserves et reprendre possession de leur artillerie.

Après huit jours passés, du côté des Américains en préparatifs facilités par la maladresse de leurs adversaires, du côté des Mexicains en manceuvres insignifiantes[1], la division de Taylor et l’armée mexicaine se mirent en mouvement et se trouvèrent enfin en présence, non loin de la plaine de Palo-Alto, le 7 mai 1846. La division de Taylor était composée de 2,500 soldats environ et de deux cents chariots ; Arista avait avec lui 3,461 hommes. Le général américain, installé dans un endroit que les Mexicains avaient abandonné la veille, appuya aussitôt sa droite sur une levée de terrain assez épaisse et sur une resaca (étang) ; sa gauche et son arrière-garde étaient protégées par un bois à la lisière duquel les chariots des settlers, entrelacés et enchaînés, formaient un retranchement impénétrable. Ayant fait ensuite avancer une colonne

  1. Nous avons dû abréger beaucoup l’historique de ces préliminaires, longuement racontés dans un ouvrage intitulé : Campaña contra los Americanos del Norte. – 1re Parte, Relation històrica de loi 40 dias que mandé en gefe el general Arista (Campagne contre les Américains du nord. — Relation historique des quarante jours pendant lesquels commanda en chef le général Arista). Mexico, juin 1846. — L’officier témoin oculaire et auteur de cet ouvrage n’hésite pas à attribuer à la trahison l’inexplicable manœuvre du gué de San-Rafaël.