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disparaître, nos intérêts ne recevraient-ils point, par cela même, une grave et fâcheuse atteinte ? Depuis plus d’un an, le chiffre de nos exportations au Mexique est déjà diminué des trois quarts, et ce n’est pas au moment où la ligne des paquebots transatlantiques vient d’être organisée, qu’il sied à la France de se montrer indifférente aux futures destinées du Nouveau-Monde. On connaît l’esprit envahisseur qui distingue la race américaine. L’influence d’un climat énervant a respecté cette race privilégiée, tandis qu’elle frappait autour d’elle jusqu’aux Canadiens et leur enlevait, avec l’énergie et la vivacité de l’esprit normand, toutes les traces de leur origine. En ce moment encore, les péripéties militaires de la campagne des États-Unis au Mexique montrent combien peu la race espagnole, livrée à elle-même, est en mesure d’opposer une résistance sérieuse à la race anglo-saxonne. C’est à corriger ce défaut d’équilibre entre les races du Nouveau-Monde que pourrait être utilement appliquée, nous le croyons, la sollicitude de l’Europe. Encourager les jeunes nationalités de l’Amérique, les aider dans leurs efforts pour s’affermir et s’élever à une existence indépendante, c’est un rôle que les puissances de l’ancien continent ont su déjà remplir avec éclat, et qu’il leur appartient aujourd’hui de reprendre. Plus l’audacieuse activité des États-Unis mérite notre admiration, plus aussi elle nous impose de sollicitude et de prévoyance. Moins que jamais, en présence de la guerre du Mexique, il est permis à l’Europe d’oublier qu’elle a dans le Nouveau-Monde, entre un état qui grandit chaque jour et de malheureuses sociétés livrées à une anarchie sans cesse croissante, des intérêts à protéger, des principes à défendre, une influence précieuse à maintenir.


GABRIEL FERRY.