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de los Herreros s’y trouvent réunis, — la fragilité de l’intrigue, une simplicité d’invention qui déjoue l’analyse, et la grace originale et brillante des détails. Marcela est la personnification de la coquetterie ; c’est une jeune femme jouissant avec calme du bonheur d’être belle, et qui se plaint cependant des embarras de la beauté, en faisant cette réflexion, que la beauté attire après elle une nuée d’impertinens. Les sots, par malheur, l’emportent en nombre dans ce monde, et il ne se trouve parmi les prétendans à la main de Marcela qu’un dandy efféminé, un officier fanfaron et bavard, et un homme qui ne demanderait pas mieux que d’être un poète, mais qui n’y peut réussir. C’est entre ces divers personnages que se noue l’action. Que peut faire l’orgueil de Marcela, si ce n’est de se réfugier dans la liberté, après avoir raillé ses amans, après les avoir provoqués à une sorte de course au clocher pour arriver jusqu’à elle, et les avoir confondus dans un commun ridicule ? Cherchez à traduire cette œuvre étincelante de vivacité comique, pleine de remarques ingénieuses et fines : que restera-t-il, ainsi que nous le disions ? Une idée dépouillée de l’intérêt que lui donne une élaboration heureuse et féconde en saillies, — l’idée de la coquetterie provoquante et méprisante qui joue avec les passions sans se laisser atteindre, et s’enfuit tout à coup, en répondant aux poursuites dont elle est l’objet par un dédaigneux éclat de rire.

Il y a là, au reste, un trait particulier à l’esprit de Breton de los Herreros et qui se reproduit dans plusieurs autres de ses ouvrages, dans Un Mari pour la jeune fille (un Novio para la niña), le Tiers dans la dispute (el Tercero en la discordia), comme dans Marcela, comme dans Meurs et tu verras (Muerete y veras) et Tout est bouffonnerie en ce monde (Todo es farsa en este mundo) : c’est cette peinture qu’il fait du cœur féminin. Breton excelle à saisir ce qu’il y a de capricieux et d’inconstant dans la nature des femmes, et la vérité qu’il y met semble si poétique, qu’elle n’est point une injure ; il se plaît à peindre leur légèreté dans ses nuances diverses, dans ces nuances toujours changeantes, selon l’âge, suivant la position sociale ; il la poursuit dans la jeune fille dont le cœur s’ouvre au caprice en même temps qu’à l’amour, dans la femme heureuse de rester belle et dont aucun entraînement puissant ne vient précipiter et flétrir la maturité, dans la vieille impertinente et malicieuse qui chasse la tristesse des années déclinantes et tourne toute son expérience en raillerie. Marcela est ainsi le type idéal auquel se rapportent, avec des modifications diverses, les héroïnes de Breton. Au point de vue de sa fantaisie comique, toutes ces femmes qu’il fait vivre dans ses œuvres ont une merveilleuse diplomatie ; elles savent se cacher et feindre comme si elles portaient encore ce masque gracieux qui voilait les sourires et les regards pleins de flamme des héroïnes de Calderon ; elles se contiennent ou se livrent