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plus énergiques démonstrations. L’amour de la paix, la crainte d’amener des collisions, ne sauraient aller jusqu’à une immobilité qui, dans les circonstances que nous venons de dire, serait un véritable suicide. À coup sûr, en 1831, Casimir Périer ne cherchait pas la guerre ; cependant il n’a pas souffert que l’Autriche intervînt dans les affaires et dans les états du saint-siège sans montrer en Italie le drapeau français. Il ne serait pas possible aujourd’hui de rester en-deçà de cette politique ; ce serait s’exposer aux plus graves dangers tant au dehors qu’au dedans. Telle est, nous en sommes convaincus, la pensée même du cabinet.

C’est pour le gouvernement de la France un devoir dont l’accomplissement lui donnera de la force, que de porter dans sa politique extérieure l’esprit libéral et modéré de la révolution de 1830. Les conseils que le cabinet adresse à la Suisse nous ont paru sages et dictés par une sympathie sincère pour l’indépendance helvétique. Quoi qu’en aient pu dire des hommes prévenus et exaltés, ces conseils, loin d’annoncer le désir d’intervenir dans les affaires de la Suisse, ont été donnés au contraire dans le dessein d’écarter les éventualités qui pourraient amener une intervention. Déjà, nous avons lieu de le croire, si le cabinet français avait voulu prêter l’oreille aux propositions de l’Autriche, il y aurait eu, à l’égard de la Suisse, une manifestation diplomatique faite en commun par les puissances. Rien de pareil n’a eu lieu. Sans doute, les notes de M. Guizot à M. de Bois-le-Comte n’ont pas laissé que de produire en Suisse une impression assez vive, mais elles ont aussi provoqué dans beaucoup d’esprits des réflexions salutaires sur les véritables intérêts de la confédération. Ainsi, les deux cantons des Grisons et de Saint-Gall, qui se sont prononcés pour la dissolution du Sonderbund, ont fait connaître qu’ils ne voteraient pas les moyens d’exécution. Ce retour inattendu à des idées plus modérées parait avoir vivement ému les radicaux, et les plus déterminés songent à provoquer une diète extraordinaire pour résoudre cette dernière question, qui est le nœud de toutes les difficultés. Tant qu’une diète n’aura pas voté des moyens d’exécution pour briser le Sonderbund, il n’y aura pas violation positive de la souveraineté cantonale, ni imminence de guerre civile. Il faut espérer qu’on n’en viendra pas à cette fâcheuse extrémité. La France ne peut, comme l’Angleterre, se désintéresser de tout ce qui peut arriver dans un pays qui touche à sa frontière, et qui en plus d’une occasion a servi d’asile à des ennemis de son repos. D’un autre côté, ses propres principes ne lui permettent pas de confondre, à l’égard de la Suisse, sa politique avec celle du cabinet de Vienne. Il ne faut pas, le ministère ne saurait trop y songer, que l’opposition puisse lui reprocher, avec quelque apparence de raison, de se faire en Suisse l’interprète et le porte-voix de l’Autriche. Il y a à pratiquer envers la confédération une politique dont la bienveillance et le libéralisme ne soient équivoques pour personne.

Se montrer partout favorable à la liberté modérée, aux institutions constitutionnelles, aux gouvernemens éclairés qui ne repoussent pas les sages réformes, voilà le rôle de la France. C’est en y restant fidèle qu’elle pourra lutter avec avantage, avec honneur, contre la rivalité de l’influence anglaise. Presque partout l’Angleterre se déclare pour les partis extrêmes ; en Grèce, elle est avec les brouillons qui ne trouvent pas le ministère de M. Coletti assez libéral ; en Espagne, elle favorise les espérances et les entreprises carlistes. Si à Athènes le fâcheux incident relatif à M. Mussurus n’est pas encore terminé, si le divan n’a