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bris de presses et spoliation des écrivains catholiques, tels furent, pendant trois ans, les excès que la jeune Suisse ne rougit pas et ne craignit pas de commettre. Le désordre était parvenu à son comble, il irritait toutes les consciences, il menaçait toutes les situations. Tant d’emportement fit oublier les événemens de 1839 et de 1840. Le clergé se mit à la tête de la résistance, et les abbayes du Grand-Saint-Bernard et de Saint-Maurice, qui avaient dirigé le mouvement du Bas-Valais, prirent alors l’initiative de la réaction contre le radicalisme. Le clergé du Haut-Valais suivit cet exemple. On opposa à la société de la jeune Suisse une société de la vieille Suisse, dont l’organisation soudaine, vaste, fortement liée sur tous les points, fut comme un élan universel du pays. M. de Kalbermatten, un des chefs de la levée du Bas-Valais en 1840, prit le commandement militaire de cette association, et il en reçut l’investiture de l’évêque même et dans le palais épiscopal. La diète intervint et ordonna la marche d’un corps fédéral pour arrêter l’effusion du sang. Berne et Vaud, qui croyaient au triomphe de la jeune Suisse dans cette lutte, et qui par conséquent la désiraient, refusèrent de faire marcher leurs contingens et de laisser passer ceux des autres cantons. Au milieu de ces incertitudes, M. de Kalbermatten était descendu vers Sion avec huit mille Haut-Valaisans ; les jeunes Suisses y montèrent, mais à peine avaient-ils quitté le Bas-Valais, que la population se leva derrière eux, et trois cents paysans armés vinrent occuper le pont du Trient pour empêcher leur retour. Ce fut sur ce point que la petite armée de la jeune Suisse, qui, attaquée à Arden par M. de Kalbermatten, se retirait devant lui, fut détruite par les Bas-Valaisans. Quelque temps retardés par la rupture du pont de Ridder, les Haut-Valaisans n’arrivèrent qu’après le combat pour féliciter les vainqueurs. Il y eut réconciliation complète entre les deux parties du canton, et la constitution fut modifiée sur de meilleures bases le 16 septembre 1844. Les débris de la jeune Suisse se réfugièrent sur le territoire de Vaud.

Je préfère de beaucoup, pour mon compte, l’état moral des Valaisans à celui des Vaudois. Si ceux-ci paraissent plus avancés dans la civilisation, s’ils savent mieux s’en procurer les avantages matériels, s’ils sont mieux logés, mieux vêtus, les Valaisans trouvent une large compensation à ce qui leur manque de ce côté dans la paix intérieure et la félicité plus réelle que procurent les croyances religieuses, des mœurs pures et le culte des traditions. L’agriculture a fait chez eux, depuis quelque temps, de très notables progrès ; le fléau du crétinisme aura bientôt disparu, grace à ces améliorations qui, en même temps qu’elles rendent les campagnes plus productives, épurent et assainissent l’air. Le gouvernement favorise l’industrie autant qu’il le peut. Dans ce moment même, il prête son concours à deux compagnies françaises, l’une