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de voir davantage et de connaître mieux, je me plais, à propos de chaque canton, à citer un ou deux noms honorables entre tous et qui en sont comme la personnification vivante. J’ai eu l’honneur de voir et d’entretenir une fois Mgr de Marilley. Ce prélat, jeune encore, d’une haute piété, d’un esprit vif, d’un caractère ferme, est adoré de la population. Toute sa personne respire une candeur attirante, son regard se baisse volontiers vers la terre, son geste est timide ; mais on reconnaît son ; énergie intérieure à un éclair qui sort tout à coup de ses yeux et à l’émotion contenue de sa voix. Si Mgr de Marilley était à Soleure au lieu d’être à Fribourg, l’influence de M. Munzinger n’aurait jamais pu devenir bien inquiétante. Je dois citer aussi, parmi les hommes influens de ce canton et de la Suisse, M. l’avoyer Fournier.

En approchant de Fribourg, on voit aujourd’hui des palissades fraîchement élevées. Des forts détachés sont prêts à ouvrir et à croiser leurs feux du côté que la rivière ne couvre pas. Le commandant militaire est M. le colonel de Maillardoz, loyal soldat, d’un esprit cultivé et d’un cœur antique.

C’est ainsi que les sept cantons me sont apparus dans mes fugitives impressions de voyageur ; telle est la ligue de ces petits états, si respectables par leurs mœurs, leurs libertés populaires, leurs souvenirs traditionnels, et qui ne demandent aux autres cantons que de les laisser vivre selon leur foi et leurs usages, conformément aux droits que le pacte fédéral a garantis et aux promesses qui ont été faites en 1815, dans le renouvellement de l’alliance. Les feuilles radicales ont violemment attaqué cette union, et la diète vient d’en prononcer la dissolution immédiate ; mais ceux qui se plaignent le plus n’ont-ils pas eux-mêmes formé une ligue de leur côté ? Celle-ci ne repose pas, il est vrai, sur un traité formel comme celle des catholiques ; mais elle éclate dans les faits, dans un ensemble d’actes non équivoques. On la trouve, cette ligue d’une autre nature, dans les votes de la diète, dans les articles de la conférence de Baden, dans l’abolition des couvens d’Argovie, dans les expéditions des corps francs. Enfin ce sont les radicaux eux-mêmes qui ont les premiers donné l’exemple de ligues séparées ; qu’ils veuillent bien se rappeler ce qu’ils ont fait en 1832. Quant à la question de droit, l’ancienne alliance permettait, dans le corps général de la confédération, des unions distinctes. C’est ce que Berne et Soleure représentèrent en 1814, lors de la discussion du pacte, et c’est sur la base de l’ancienne alliance qu’on traita. L’article 18, qui interdit aux cantons de se lier entre eux, dans des vues contraires au bien général, ne va pas plus loin, et toujours ces alliances séparées ont été permises lorsqu’elles n’ont eu pour but que d’assurer à un certain nombre d’états une assistance mutuelle dont l’intérêt général ne peut pas souffrir. Or, peut-on dire que l’alliance du Sonderbund est dans le cas de l’interdiction ?