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Le parti catholique en Suisse a une puissance toute constituée, qui s’opposera résolûment à l’invasion radicale ; il a l’autorité des anciennes mœurs et l’ardeur qu’une foi vive donne toujours, il défend de plus les vrais principes et la vraie constitution du pays ; mais ce parti ne doit pas oublier combien flottantes, attiédies, stériles, sont aujourd’hui çà et là les volontés et les convictions. Ce parti ne doit pas oublier que, si ses principes ont pris une force et une extension nouvelle dans ces derniers temps, il est cependant toujours en minorité. Ce n’est donc pas sur un principe purement religieux que la résistance conservatrice de la Suisse doit être fondée. On sait ce qui a lieu à Soleure et dans le Tessin, et ce qui s’est passé à Genève, où les catholiques, traités avec trop peu de bienveillance par l’ancien gouvernement, viennent de s’attacher si subitement aux radicaux. D’ailleurs ne faut-il pas tenir très grand compte du nombre considérable de protestans qui professent, tout autant que les catholiques, un éloignement décidé pour les doctrines radicales et le respect des principes religieux et conservateurs ? Les petits cantons, je n’ai garde d’en douter, sauront bien se défendre chez eux et maintenir leurs droits : Uri, Schwitz et Unterwald n’ont jamais appris à courber la tête ; les campagnes de Zug ne seraient guère sûres pour les corps francs ou pour tous autres ennemis de l’indépendance cantonale ; Lucerne et Fribourg ont dans leur foi le gage de la victoire ; le Valais a montré sur les bords du Trient ses sentimens et son énergique bravoure ; tout cela cependant ne constitue qu’une résistance passagère et restreinte, tout cela ne suffira pas, ne peut pas suffire à rendre à la Suisse sa sécurité et sa véritable grandeur. Lorsque les décisions de la diète ne devraient jamais s’accomplir, le remède au mal ne serait pas encore trouvé.

L’ordre politique et la liberté religieuse, l’ordre politique par la liberté religieuse, tels sont les vrais besoins de la Suisse : tous ses enfans sont également intéressés, chacun dans ses principes et dans sa foi, à ce que ce double besoin ne soit pas plus long-temps méconnu. La conciliation peut seule asseoir sur une base solide cet ordre et cette liberté. Que tous les hommes de bien y songent dans les deux communions chrétiennes ; que tous les hommes de sens et de cœur, que les hommes politiques et pratiques y songent aussi, quels que soient leurs antécédens et leurs préférences. La Suisse a aujourd’hui précisément le contraire de ce qu’il lui faut : elle a trop de prétendue liberté politique et pas assez de liberté religieuse. Il faut resserrer l’une et étendre l’autre. Cela ne peut se faire que par l’effort unanime d’un grand parti conservateur, formé de toutes les opinions sages, patriotiques, sincères et modérées.

Les Suisses ne doivent pas oublier que l’Europe a droit de se préoccuper de leur situation, et qu’un jour pourrait venir où la pensée d’une