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pas toujours aussy dans celle des autres. Sy Dieu ly avoit mises, les nepveux des papes y perdroyent, mais tout le monde s’en trouveroyt bien mieux. » D’Andilly ne voit pas de si haut. Il en revient sans cesse au Formulaire, aux intrigues des jésuites, aux affaires de Port-Royal et, selon toute apparence, il avait fini par ennuyer Fabert, car celui-ci lui écrivit un beau jour : « Je sçay bien que de tous les hommes les théologiens sont les plus violens dans leurs passions, soit qu’ils croyent que, prétextant leurs emportements d’un saint zèlle, ils puissent en tirer autant d’honneur que les autres craignent de honte ne se modérant pas ; ou que des gens qui penssent continuellement et travaillent à prescher pour persuader ce qu’ils se sont persuadez, ne soyent pas capables de suporter qu’ils ne soyent pas suivis avec aplaudissement ; ou soit qu’avec la science, l’orgueil se glise dans l’esprit de beaucoup de gens ; tant y a que j’ay remarqué aux gens d’église savans et aux ministres parmi les huguenotz beaucoup plus de penchant au sang et à la cruauté que parmy les gens de guerre qui sont nourris dans le carnage, et dans l’opinion que non-seulement ils sont obligés par debvoir à tuer, qu’il y a de l’honneur pour eux à le faire, et souvent nécessité pour conserver leur vie. Je vous advoue que concidérant cella j’ai estez estonné… Mais il y a encore tant d’autres choses à s’estonner dans la religion, qu’à mon advis il faut plustost admirer que Dieu les soufre que d’en parler. Lorsque la charité qui en est bannie y sera revenue, tout ira bien ; car avec elle reviendra l’humilité qui en a estez chassée par ceux qui devoyent l’y retenir. Un soldat a tord de parler de cette sorte ; mais la profession des hommes ne leur oste pas les sentimens que la nature leur donne pour la gloire de Dieu. »

Les passages du genre de ceux que nous venons de citer sont nombreux dans les lettres de Fabert recueillies par M. Varin. C’est partout le même bon sens, le même calme, la même sérénité de jugement ; de tous les personnages que l’auteur met en scène, le maréchal, qui ne se piquait point cependant d’être savant, est, sans aucun doute, celui qui montre le plus de cœur et de raison, celui qui voit le mieux les choses, qui entend le plus sagement les vrais intérêts de la religion. Nous citerons encore, à l’appui de l’opinion que nous venons d’émettre, le fragment suivant relatif à un projet de guerre contre les Turcs, projet auquel Fabert s’attachait avec une sorte d’enthousiasme : « Il faut laisser, dit-il, toutes ces querelles qui ne font que mettre la foi en péril, et si l’on est en ardeur de combattre, au moins faut-il combattre les vrais ennemis, et ces vrais ennemis, ce sont les Turcs. Ils nous ont ostez tout l’Orient et le Mydy. Ils nous viennent chercher dans l’Occident. Leur laisser faire progrez en Dalmatie est les appeler dans l’Italie par l’estat de Venize. Ils sont forts. Le hazard leur peut donner pour chef un homme de vertu, qui, tournant ses armes contre nous,