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été grands lorsqu’ils ont porté aux limites du monde les lumière de l’Évangile et de la civilisation ; mais, à côté des martyrs, il y eut bientôt les intrigans : l’ambition du pouvoir et de la richesse remplaça l’ardeur du prosélytisme, et c’est moins pour avoir prêché une morale relâchée que pour s’être faits les auxiliaires du pouvoir absolu, que les jésuites ont soulevé contre eux tant de haines. En s’alliant avec la politique, ils ont donné prise à toutes les récriminations des partis, et c’est comme corps politique et non pas comme ordre religieux qu’ils ont encouru l’animadversion des peuples. A la cour de Louis XIV, le rôle de ceux qui ont approché le monarque a été véritablement indigne ; ils ont avili, égaré la vieillesse du grand roi, et l’histoire n’a que trop bien confirmé ce jugement sévère, mais juste, porté par la duchesse d’Orléans, princesse palatine et mère du régent, sur les confesseurs jésuites du monarque : « Avant que la vieille, dit la duchesse en parlant de Mme de Maintenon, eût de la puissance, l’église de France était très raisonnable. C’est elle qui a tout gâté en favorisant les sottises et les superstitions, telles que le rosaire et autres choses. Quand il se présentait des hommes raisonnables, la vieille et le confesseur les faisaient emprisonner ou exiler Ces deux personnages sont la cause de toutes les persécutions qu’on a fait subir en France aux réformés et aux luthériens. Le père La Chaise aux longues oreilles a commencé cette belle œuvre, et le père Letellier l’a achevée. C’est ce qui a ruiné la France de toutes manières. »

Cette dernière remarque est rigoureusement vraie Les jésuites n’ont pris aucune part au bien qui s’est fait dans l’ordre religieux pendant le règne de Louis XIV. Ils n’ont fait que réveiller l’esprit de persécution pour aboutir à la révocation de l’édit de Nantes, comme les jansénistes réveillaient l’esprit de controverse pour aboutir au diacre Pâris et aux folies du cimetière Saint-Médard ; mais fort heureusement chez nous le sentiment religieux, comme la pensée philosophique, va droit aux applications, et le mouvement imprimé par saint François de Sales et saint Vincent de Paul se continua au milieu des disputes et des persécutions. Il y a, de ce côté, à partir de la fin du XVIe siècle, comme une sorte de renaissance de la charité, renaissance qui se manifeste surtout par l’établissement de nouveaux ordres, basés presque tous sur le travail, l’instruction des enfans, le soin des pauvres et des malades. Enfin, c’est d’une part dans les rangs inférieurs du clergé séculier, de l’autre dans les ordres charitables, tels que les carmélites de sainte Thérèse et les sœurs de saint Vincent de Paul, qu’il faut chercher, au XVIIe siècle, la véritable tradition chrétienne.

Il est encore un point sur lequel nous ne partageons pas l’opinion de l’auteur de la Vérité sur les Arnauld. Selon M. Varin, les esprits amis du progrès intellectuel, tel qu’il s’accomplit aujourd’hui, peuvent réclamer la part du jansénisme dans la révolution de 1789. « Le jansénisme,