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réunissait, en effet, à un degré éminent, tout ce qui pouvait le rendre propre à ces hautes fonctions. Une santé forte, une voix claire et sonore, une belle figure que relevait encore alors l’éclat de la jeunesse, une physionomie pleine de douceur et de gravité ; des manières bienveillantes, une égalité d’humeur vraiment imperturbable, telles étaient les qualités diverses qui le prédestinaient, pour ainsi dire, à devenir un des meilleurs orateurs qui aient jamais dirigé les délibérations de la chambre des communes.

A peine âgé de trente-deux ans, la fortune venait de le mettre à sa véritable place, à celle où il pouvait valoir tout ce qu’il valait en effet. Il lui fallut peu de temps pour y justifier, pour y surpasser l’attente de ses amis et pour se concilier les suffrages de ceux même que l’esprit de parti eût pu entraîner à le juger moins favorablement. Aussi, dans le cours de la session suivante, la chambre s’étant déterminée à établir sur des bases nouvelles le traitement qu’elle allouait à son président, une immense majorité en éleva le chiffre à 6,000 livres sterling au lieu de 5,000 qu’on avait d’abord proposées. Les amis particuliers d’Addington votèrent seuls, à sa demande, contre cette augmentation. Cette faveur universelle ne fut pas, comme il arrive quelquefois, un engouement passager dû à quelque heureux hasard. On sait qu’en Angleterre l’orateur de la chambre est réélu, non pas à chaque session, mais seulement au commencement de chaque législature. Quatre fois, en douze ans, Addington eut à subir cette épreuve, et quatre fois il obtint l’unanimité des votes. L’opposition, en joignant ses suffrages à ceux du parti ministériel pour le porter au fauteuil, se complaisait même à exprimer avec effusion la satisfaction complète qu’elle éprouvait de l’habileté avec laquelle il conduisait les délibérations, de sa haute impartialité et de sa parfaite courtoisie.

La répugnance qu’il avait jusqu’alors témoignée à prendre une part active aux discussions s’accordait trop bien avec les convenances, avec les devoirs même de sa position actuelle pour qu’il essayât de nouveau d’en triompher. Pendant la longue durée de sa présidence, qui comprend la période si agitée de la guerre contre la révolution française, on ne le vit que bien rarement se mêler aux débats dans ces comités généraux où, les fonctions de l’orateur passant en d’autres mains, il recouvre, s’il le veut, l’usage de la parole. Lorsque Pitt, en 1797, pour subvenir aux énormes dépenses de la guerre, que l’emprunt et l’accroissement des impôts indirects ne suffisaient plus à alimenter, proposa le triplement des taxes directes, Addington fit ajouter au projet ministériel une clause portant que le trésor recevrait toutes les contributions volontaires offertes pour concourir à la défense de l’état. Le produit de ces souscriptions, qui s’éleva à 1,500,000 livres sterling, prouva qu’il n’avait pas trop compté sur la puissance du sentiment patriotique. Deux ans après, la question de l’union législative de l’Irlande à la Grande-