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détermination puisse être pénible : ces sentimens doivent être rendus de manière à écarter toute mauvaise impression, mais sans encourager le moins du monde à penser qu’on puisse jamais céder dans une question telle que le roi manquerait à sa conscience et à toutes ses obligation, envers le pays, s’il se départait de ce qu’il regarde comme un devoir civil et religieux. »

La réponse fut, en effet, rédigée dans un sens très positivement contraire à toute idée de concession en faveur des catholiques, mais en termes calculés pour laisser à Pitt la possibilité de garder le pouvoir en renonçant honorablement à ses exigences. Pitt n’y pensait nullement, et, la réplique qu’il fit à la lettre du roi ayant prouvé qu’une conciliation était impossible, George III lui écrivit, le 5 février, qu’il allait pourvoir, sans plus de retour, à un nouvel arrangement ministériel. Addington, qui, jusqu’à ce moment, avait sincèrement travaillé à écarter la nécessité d’un pareil changement, s’occupa dès-lors de réunir les élémens du cabinet qu’il était appelé à présider, et Pitt, loin de lui susciter aucun obstacle, l’assista activement dans cette difficile tâche, engageant ses amis à entrer dans une combinaison qu’il promettait d’appuyer de toute son influence. Addington, de son côté, pour recruter plus facilement des auxiliaires, n’hésitait pas à dire qu’il se considérait comme le lieutenant de Pitt, comme le représentant de sa politique. Ces propos, qui étaient alors, sans aucun doute, l’expression sincère de leur pensée, devaient plus tard leur être souvent et amèrement rappelés, comme s’ils eussent constitué de leur part l’engagement formel de ne jamais se séparer.

Déjà la recomposition du cabinet était presque terminée, il ne restait plus qu’à remplir quelques formalités. Les anciens ministres, bien qu’ils expédiassent encore les affaires, ne se considéraient plus comme les organes sérieux du gouvernement, et, Addington ayant annoncé officiellement à la chambre des communes qu’elle avait à se pourvoir d’un autre orateur, elle lui avait voté des remercîmens unanimes pour la manière dont il l’avait présidée pendant douze années. Tout à coup on apprit que le roi était gravement malade. L’anxiété à laquelle il avait été livré pendant quelques semaines avait suffi pour jeter une complète perturbation dans son esprit affaibli ; il avait, pour la seconde fois, perdu la raison. On allait donc se trouver réduit à la nécessité d’organiser une régence dans un moment où il n’y avait pas même de ministres et où la situation extérieure du pays avait une si menaçante gravité. La fortune de l’Angleterre la préserva de cette terrible épreuve : la santé du roi se rétablit plus promptement qu’on n’aurait osé l’espérer. Cependant quelques semaines s’écoulèrent avant qu’on pût se hasarder à l’entretenir de matières politiques, et, pendant ce temps, les arrangemens ministériels restèrent inachevés. Dans cet