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trouva naturellement d’accord avec le roi. George III, qui avait d’abord consenti à la proposition de ses ministres, parce qu’il n’en avait pas compris la portée, ou, comme il le prétendit, parce qu’on ne lui en avait pas fait connaître les termes exacts, rétracta son consentement dès que les avertissemens officieux des adversaires de l’administration eurent éveillé ses défiances. Les ministres, qui peut-être s’étaient avancés un peu légèrement dans cette affaire, comprirent la nécessité de renoncer à leur projet : ils retirèrent le bill déjà soumis aux délibérations parlementaires ; mais le roi ne se contenta pas de ce désistement. Soit qu’il voulût se mettre définitivement à l’abri des secousses nerveuses que toute discussion relative aux catholiques imprimait à son organisation épuisée, soit qu’il cherchât une occasion de se délivrer d’un cabinet qui lui était antipathique, il exigea de ses conseillers officiels l’engagement de ne jamais l’entretenir de rien de semblable. Ils répondirent avec raison que leur qualité même de ministres d’un roi constitutionnel à qui ils étaient obligés de dire sur toute chose ce qu’ils considéraient comme la vérité ne leur permettait pas de prendre un pareil engagement, et le ministère fut dissous. Lord Sidmouth, bien qu’il eût été sur le point de donner sa démission plutôt que de prendre part à la malencontreuse tentative de ses collègues, sentit qu’il devait se retirer avec eux. On ne fit rien, d’ailleurs, pour le retenir. Seulement, le roi lui donna une audience de congé ; faveur que n’obtinrent pas les autres ministres, et lui exprima par écrit en termes très flatteurs le regret qu’il éprouvait à se séparer de lui.

Ainsi tomba, au mois de mars 1807, après une année d’existence, ce brillant ministère que la mort de Fox avait déjà fort affaibli. Le principal résultat de la courte apparition des whigs au pouvoir avait été de mettre hors de doute, par l’inutilité de leurs efforts pour arriver à une réconciliation avec la France, la nécessité absolue de la guerre, et par conséquent d’imposer silence à ceux qui, si long-temps, avaient reproché aux tories de ne pas vouloir la terminer. Les amis de Pitt, qui naguère, après l’avoir perdu, s’étaient jugés eux-mêmes hors d’état de conserver entre leurs mains la direction du gouvernement, furent rappelés au pouvoir et ne craignirent pas, malgré leur infériorité personnelle, malgré l’extrême gravité de la situation, d’accepter la succession des hommes éminens que la volonté royale venait d’éloigner. Leur courage fut taxé de témérité. Personne ne supposait qu’ils pussent suffire à porter un fardeau sous lequel Pitt et Fox venaient de succomber en peu de mois, et on s’attendait généralement à les voir bientôt contraints de céder la place. Ils devaient pourtant la garder pendant vingt années. La durée et les prodigieux succès d’un ministère inauguré sous des auspices si peu rassurans constituent un problème historique qui mérite de nous arrêter quelques instans.