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dans sa correspondance quelques détails assez curieux sur la dernière phase de ces négociations, celle qui précéda le second traité de Paris ; mais le langage qu’il y tient n’est pas, à beaucoup près, celui d’un ministre expliquant la pensée et le but des mesures qu’il vient de faire adopter ; on croirait plutôt entendre un homme curieux et bien informé dissertant avec une pleine liberté d’esprit sur des actes dont il approuve le caractère général, bien qu’il y trouve à redire en plusieurs points. Lord Sidmouth eût voulu, par exemple, que les conditions de la paix de Paris fussent plus rigoureuses encore pour la France. Les sentimens concilians dont il s’était montré animé à l’époque de la paix d’Amiens avaient fait place à des dispositions bien différentes. Les prodigieux succès obtenus par l’Angleterre et par ses alliés dans une guerre si long-temps malheureuse lui avaient tourné la tête, parce qu’il n’avait ni dans l’ame ni dans l’esprit cette grandeur également nécessaire pour supporter convenablement la bonne et la mauvaise fortune. On ne peut lire sans un sentiment pénible la lettre par laquelle, annonçant à son frère la résolution prise de transporter à Sainte-Hélène l’empereur Napoléon, qui venait de se rendre aux Anglais, il qualifie de dégoûtante extravagance les ménagemens dont on avait usé pendant les premiers momens envers l’illustre captif. D’autres lettres nous apprennent qu’avec plusieurs de ses collègues il se préoccupait des prétendus dangers de ce qu’il appelait une politique trop clémente (lenient) à l’égard de la France. Lord Sidmouth et ses amis insistèrent surtout assez long-temps pour qu’on imposât au gouvernement de Louis XVIII le démantèlement des places de Lille et de Strasbourg, et ce n’est pas sans peine que lord Castlereagh et le duc de Wellington obtinrent le renoncement du cabinet à cette exigence. Lord Sidmouth faisait à ces deux hommes d’état un reproche qui, de sa part et s’appliquant à eux, a quelque chose de bien étrange : il les accusait de n’avoir pas pris dès l’abord un ton assez haut dans la négociation qu’ils suivaient à Paris. Il fallait, disait-il, réduire à tel point la puissance de la France, qu’elle ne fût plus en état de troubler l’Europe : comme si la perte de quelques forteresses ou même de quelques départemens eût pu avoir ce résultat ! comme si, en exaspérant à force d’humiliations et de rigueurs le sentiment national d’un grand peuple vaincu, on ne risquait pas précisément de faire naître le danger contre lequel lord Sidmouth cherchait des garanties !

Lord Liverpool était, sinon plus généreux, au moins plus sensé dans le jugement qu’il portait de la politique à suivre à l’égard de la France. Voici ce qu’il écrivait à lord Sidmouth, qui se trouvait en ce moment à la campagne, en l’informant du résultat définitif de la négociation « Je ne doute pas que le traité avec la France ne soit généralement approuvé et que les conditions qui en forment la base ne soient considérées comme aussi rigoureuses envers ce pays qu’elles pouvaient l’être