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s’en détournassent pas avec horreur. Elle devait donc échouer, qu’il est certain, quoi qu’en disent les flatteurs de la démagogie jamais, dans un grand pays, les classes ignorantes et grossières accompli de révolutions sans le concours plus ou moins complet représentans du savoir et de la richesse, pas plus que les soldats ne gagneraient de batailles s’ils cessaient d’être conduits par leurs généraux et leurs officiers. Néanmoins, si ces agressions aveugles étaient peu redoutables pour la constitution britannique, elles pouvaient causer de grands malheurs particuliers ; elles pouvaient même, en se prolongeant, jeter sur le pouvoir une déconsidération qui aurait frayé la voie à des adversaires moins méprisables. C’étaient là les vrais dangers que le gouvernement, que le secrétaire d’état de l’intérieur en particulier avaient à conjurer. Lord Sidmouth ne manqua pas, au moins sous ce rapport, aux devoirs de sa situation.

Je ne rappellerai pas ici tous les incidens de cette lutte de six années. On sait qu’en Angleterre la presse et les réunions populaires jouissent d’une liberté dont l’étendue semblerait partout ailleurs inconciliable avec le maintien de l’ordre. La police y dispose et surtout y disposait alors de bien faibles moyens d’action. Pour alléger autant que possible l’énorme fardeau des impôts qui pesait depuis si long-temps sur le peuple, on s’était empressé, aussitôt après la fin de la guerre, de réduire la force armée sur le pied strictement nécessaire à l’occupation des colonies et des postes militaires, en sorte qu’il n’en restait presque plus pour tenir tête aux perturbateurs dans l’intérieur du royaume. Lord Sidmouth suppléa, à force d’activité et de zèle, à l’insuffisance de ces moyens de répression. La distribution judicieuse d’un petit nombre de régimens de ligne, la formation de corps nombreux de yeomanry, espèce de garde nationale d’élite, l’embrigadement des vétérans retraités encore capables de quelque service, le mirent en état, sinon de prévenir tout mouvement séditieux, au moins d’arrêter à temps les tentatives de révolte. Le parlement lui prêtait d’ailleurs un énergique appui. On suspendit la liberté individuelle. Des bills furent passés pour interdire les exercices militaires auxquels se livraient audacieusement les conspirateurs, pour autoriser les juges de paix à saisir les dépôts d’armes établis par les malveillans, pour punir de peines rigoureuses la publication de libelles séditieux et blasphématoires, pour soumettre au droit du timbre des imprimés qui jusqu’alors en avaient été exempts, et pour restreindre la liberté indéfinie des réunions populaires. Le gouvernement ainsi soutenu ne craignit pas d’engager sa responsabilité en sévissant contre les agitateurs. A Sheffield, à Manchester surtout, d’immenses rassemblemens furent dispersés par la force armée. L’action des tribunaux ne resta pas en arrière de celle des chambres et du gouvernement. Dans plusieurs parties du royaume, des exécutions capitales