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passionné se refuse à reconnaître l’empire de la nécessité. Le ministère du duc de Wellington et de Robert Peel, à peine saisi du gouvernement, se vit forcé, par la toute-puissance de l’opinion, à entrer dans la voie des réformes les plus hardies. Dès la première année de son existence, il fit abolir l’acte du test, qui fermait aux protestans étrangers à l’église anglicane l’entrée des corporations municipales. On espérait, en désintéressant ainsi les dissidens, se donner plus de force pour repousser les prétentions des catholiques, et, à cette époque, les ministres protestaient encore, dans les termes les moins équivoques, contre la pensée de l’émancipation ; mais peu de mois après, en présence de l’Irlande soulevée tout entière à la voix d’O’Connell, en présence de l’opposition formidable qui, en Angleterre même, secondait les réclamations des Irlandais, ils comprirent l’impossibilité d’une plus longue résistance. Une fois convaincus de cette impossibilité, ils l’acceptèrent hautement, sans hésitation, sans restriction, et un bill fut proposé, en 1829, pour rendre aux catholiques le droit de siéger dans les deux chambres, comme aussi de remplir, sauf deux ou trois exceptions, tous les emplois publics auxquels ils pourraient être appelés.

On vit alors un singulier spectacle. Le ministère, appuyé par les whigs, ses adversaires naturels, eut à triompher de l’opposition d’une fraction considérable de ses amis les tories, dont la conscience mal éclairée ou les passions opiniâtres se refusaient à toute transaction. Lord Sidmouth s’associa à cette opposition. Rompant le silence qu’il gardait depuis long-temps dans la chambre des lords, il parla avec force contre la seconde lecture. « Je ne puis, écrivait-il à lord Exmouth, je ne puis sacrifier un principe à une convenance ni entrer dans une combinaison qui consiste à essayer d’écarter des difficultés du moment en portant à la constitution protestante du pays un coup dont les effets seraient permanens, et, je le crains, mortels. » Le bill n’en fut pas moins adopté. Lord Sidmouth en éprouva une vive et profonde affliction. « Pour la première fois, disait-il dans une autre lettre que nous a aussi conservée son biographe, je me sens découragé. Il me semble que nous naviguons à bord d’un vaisseau à demi brisé, sur une mer agitée et inconnue, sans pilote, sans carte et sans compas. »

Ce n’était que le commencement des épreuves que lord Sidmouth était destiné à subir. Le cabinet, abandonné par la portion du torysme qui ne lui pardonnait pas d’avoir fait prévaloir la cause de l’émancipation, ne résistait plus qu’avec peine aux attaques des whigs, enhardis par la concession même qui venait de leur être faite. La mort de George IV, l’avènement d’un nouveau roi moins contraire aux innovations, l’ébranlement donné à tous les esprits par le contre-coup de la révolution qui, en ce moment même, renversait le trône de Charles X, précipitèrent la chute du ministère présidé par le duc de Wellington. Il tomba