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qui devait bientôt jouer un rôle glorieux dans l’histoire du Chili : c’était Portalès.

Le général Pinto, redoutant pour son pays les désordres et les malheurs inséparables d’une guerre civile, espéra la conjurer par sa démission, qu’il donna solennellement. Aucun bien ne résulta de ce sacrifice. Le pouvoir tomba aux mains d’un homme du même parti, qui n’avait pas, à beaucoup près, le mérite de son prédécesseur. Une rencontre insignifiante eut lieu aux portes de San-Iago. Sans rien changer à la face des affaires, elle échauffa les passions. Le général Prieto restait le chef des réactionnaires, le général Lastera était devenu celui des libéraux. On essaya de transiger. Le général Freire fut désigné par sa réputation militaire pour réconcilier les deux armées, qu’il devait prendre sous son commandement. La réaction le croyait dévoué à ses idées ; l’autre parti comptait dans ses rangs trop de parens du général pour ne pas espérer le soumettre à son influence. Les deux camps se rapprochèrent de lui ; mais bientôt le général Freire se décida pour les libéraux, et voulut contraindre l’armée de Prieto à lui obéir. Les hostilités recommencèrent. Dans la rencontre qui eut lieu à Lircay, Prieto fut vainqueur.

Ce triomphe entraînait la suppression du pacte ultra-libéral de 1828 ; le parti vainqueur était tenu de donner une nouvelle constitution au pays. Les provinces durent aviser au choix de plénipotentiaires. Ceux-ci se rendirent à San-Iago et nommèrent, en attendant les nouvelles élections du congrès, un gouvernement provisoire avec Portalès pour premier ministre. L’heure des ménagemens était passée ; on exila les principaux partisans de la constitution de 1828, déclarée nulle et sans valeur.

La constitution promulguée en 1833, l’une des plus sages de l’Amérique, est conçue dal›les idées du parti réactionnaire (ce mot signifie ici modéré). Elle donne au pouvoir des moyens légaux de se faire obéir et au pays des garanties suffisantes de liberté. Le gouvernement s’affermit sur ces nouvelles bases, grace à la main habile et forte de Portalès, placé pendant quelques années à la tête du ministère. Aussi l’ordre devint-il une habitude au Chili. Ces agitateurs qui dans toutes les autres républiques méridionales cherchent fortune à travers les troubles révolutionnaires de chaque jour durent renoncer à la carrière politique, ou l’accepter avec les devoirs sévères, les travaux assidus qu’elle impose. Ces devoirs, ces travaux, ne pouvaient se concilier désormais avec leurs menées, leurs prétentions remuantes. Aussi les emplois politiques, si recherchés dans les autres états de l’Amérique -méridionale, sont-ils très souvent refusés au Chili. Le général Prieto, qui avait été nommé par le congrès ; resta président de la république jusqu’en 1835. On voulut alors presque unanimement élire Poptalès,