Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/910

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’opère sur l’ame l’absence d’un sens, que ce n’est pas le lieu de les discuter ici. Revenons à nos définitions du beau.

Suivant Mendelsohn, « son essence est l’unité dans la variété. » Cette formule est incomplète ; le beau existe au-dessus et en dehors des conditions d’unité et de variété. Une œuvre réunit souvent ces deux qualités sans être belle : l’Apollon du Belvédère n’est pas varié, la Transfiguration de Raphaël n’est pas une, et ce sont deux morceaux admirables. Des poèmes et des tableaux très médiocres satisfont quelquefois aux conditions exigées par Mendelsohn sans en valoir mieux pour cela.

Winkelmann prétend que « le beau est une chose dont il est plus facile de dire ce qu’elle n’est pas que de dire ce qu’elle est. » C’est là un aphorisme prudent et d’une vérité incontestable, trop incontestable peut-être, et qui n’avance guère la question. Il en donne ailleurs une autre définition, qui ne nous paraît pas plus satisfaisante : « L’unité et la simplicité, dit-il, sont les véritables sources de la beauté. » Nous accordons que l’unité est, en effet, une des qualités essentielles du beau ; mais que faut-il entendre par simplicité ? Le contraire du riche, du varié, de l’orné, du complexe, et, par extension, du recherché, de l’affecté ? Cependant le riche, l’orné, le complexe, sont des élémens du beau, et, si la formule s’applique assez exactement à l’art antique, dont Winkelmann se préoccupait trop, elle est fautive relativement à la peinture, à la poésie et surtout à la musique modernes, dont beaucoup de chefs-d’œuvre sont compliqués et splendides. À ce point de vue, que deviendraient Rubens, Michel-Ange, Shakespeare et Beethoven, qui assurément ne sont pas simples ? Si, par simplicité, il faut entendre le don d’être naturel, beaucoup de gens ont cette qualité dans une organisation médiocre, et alors ils sont naturellement plats, voilà tout.

Mengs, l’ami de Winkelmann, définit le beau « une perfection visible, image imparfaite de la perfection suprême. » Tieck et Wackenroeder énoncent cette idée-ci, que « le beau est un seul et unique rayon de la clarté céleste, mais qu’en passant à travers le prisme de l’imagination chez les peuples des différentes zones, il se décompose en mille couleurs, en mille nuances. » Tout cela veut dire, en termes plus ou moins clairs, d’après la formule émise par Winkelmann et bien d’autres avant lui, que la beauté suprême réside en Dieu, ou, pour nous exprimer avec plus de rigueur philosophique, que le beau, dans son essence absolue, c’est Dieu.

D’après Burke, le beau serait la qualité ou les qualités des corps par lesquelles ils produisent l’amour ou une passion semblable. Selon le Hollandais Hemsterhuis, l’ame juge le beau ce dont elle peut se faire une idée dans le plus court espace de temps. La première de ces définitions rétrécit l’idée du beau à celle des corps et même uniquement