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Le Chili compte aussi quelques écrivains politiques : Gandarillas, esprit élevé et plein de verve ; Benavente, tour à tour profond, caustique et railleur ; les deux Ringifo, l’un imitateur heureux de Jovellanos, l’autre talent spirituel et gracieux. Plusieurs des qualités du pamphlétaire espagnol Mariano-José de Larra revivent dans Vallejos. Parmi les travaux sérieux, un essai de philosophie de M. Marin ne doit pas être oublié. Il y a là un noyau de penseurs qui ne peut manquer de grossir et de se fortifier, si le Chili se maintient, comme nous l’espérons, à l’abri des discordes civiles et de la guerre étrangère.

En présence de cet élan si digne de sympathie, que doit faire le gouvernement du Chili ? Son rôle est tracé. Il doit imprimer à cette activité intellectuelle, trop exclusivement tournée peut-être vers les littératures française et anglaise, une direction utile et profitable au pays. Donner une base solide à l’enseignement national, c’est le plus sûr moyen d’atteindre ce but. Déjà l’université de San-Iago a fondé des collèges gratuits et des établissemens particuliers. Parmi les collées gratuits, on remarque l’Instituto national et l’Instituto de Coquimbo. La tendance qui porte la jeunesse chilena vers les professions libérales et surtout vers le barreau ne pouvait être mieux servie que par ces créations utiles. L’instruction primaire est plus parcimonieusement répandue, les villes importantes ont seules des écoles, et, sur ce point, il reste beaucoup à faire. On peut espérer que le gouvernement saura relever l’enseignement des écoles, comme il a déjà relevé celui des collèges. La réforme de la justice marche de pair avec celle de l’instruction publique. Une commission nommée depuis quelque temps s’occupe de réviser le code civil et criminel, afin de le mettre plus en rapport avec les institutions actuelles. Le congrès a compris que sa mission en ce moment est toute législative, et l’étude, la discussion des lois, ont remplacé dans le sénat, comme dans la chambre des députés, les luttes stériles des partis. De ces efforts du gouvernement et du congrès, il sortira sans doute pour le Chili une situation que bien des pays voisins pourront lui envier. En attendant, la république fondée par San-Martin peut déjà revendiquer une des premières places parmi les jeunes sociétés de l’Amérique du Sud.


MAX RADIGUET.