Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/946

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvait s’effectuer, nous tendons à croire que le général Narvaez refusera le pouvoir, et alors le pays serait précipité dans une série d’agitations et d’intrigues vulgaires dont l’infaillible dénoûment serait la perte de la couronne de la reine Isabelle. C’est là l’alternative placée en ce moment devant la Péninsule ; c’est entre ces deux voies qu’on doit choisir. Demain peut-être nous saurons ce qu’il faut penser de l’avenir de l’Espagne.

Que le général Narvaez parvienne à opérer une réconciliation entre la reine Isabelle et le roi don Francisco, ce serait, certes, un résultat fort désirable ; car, qu’on y songe bien, plus qu’en tout autre pays encore, la royauté en Espagne est non-seulement une garantie d’ordre, mais aussi un élément de progrès. L’Espagne est travaillée par mille déchiremens, par les rivalités provinciales, par des tendances fédéralistes qui ne sont, de nos jours, qu’un des déguisemens de l’anarchie, et ne seraient, si elles prévalaient, qu’un acheminement vers la décomposition sociale la plus complète. La royauté est seule encore la garantie de l’unité espagnole ; seule, la royauté, sagement conseillée, animée d’un esprit politique élevé, peut éteindre, avec le temps, ces foyers d’indépendance locale exagérée qui menacent souvent l’intégrité du pays. Tout ce qui tend donc à affaiblir le sentiment monarchique si profondément enraciné dans les cœurs au-delà des Pyrénées remet en doute le progrès général de la Péninsule. Quelles que soient les difficultés qu’il peut y avoir à effacer toute trace de la crise actuelle, peut-être n’en faut-il pas désespérer cependant. On sait le rôle que l’imprévu joue souvent en Espagne ; il pourrait encore aujourd’hui venir en aide à un intérêt pressant. La question espagnole ne perdrait pas pour le moment son caractère en quelque sorte intérieur. Mais si, par une circonstance quelconque, par un événement qui ne pourrait être conjuré par les efforts d’une politique conciliante et forte, le trône d’Isabelle II devait succomber en Espagne, s’il devait y avoir une succession royale ouverte au-delà des Pyrénées, ici la question se révèlerait sous son aspect extérieur, et la France, il nous semble, n’aurait point à choisir son rôle ; il serait tout tracé. Il n’y aurait évidemment pour la politique française qu’un point de départ possible, ce serait le droit, aujourd’hui éventuel encore, de l’infante, duchesse de Montpensier.

La France, lorsqu’elle a accompli, de concert avec l’Espagne, le mariage de l’infante Luisa-Fernanda avec le duc de Montpensier, n’ignorait pas qu’elle faisait un acte sérieux qui pouvait être le germe d’une politique tout entière ; elle savait que cette union était la consécration d’une alliance nécessaire entre les deux pays, et que pouvaient confirmer les éventualités contenues dans un tel acte. Ces complications qu’on lui promet maintenant, le gouvernement français avait dû les prévoir. N’a-t-on pas pris soin de feuilleter tous les traités, de les expliquer,