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et les clubs lui a paru menacer la tranquillité publique. Ce langage n’indique que trop que l’Autriche n’a jamais eu la pensée, comme le bruit en avait couru, de revenir sur les mesures qu’elle avait prises, et de retirer de Ferrare les renforts qu’elle y avait envoyés.

Telle est la situation. Par l’occupation de la ville de Ferrare, l’Autriche blesse vivement les droits de la souveraineté pontificale, et néanmoins elle prétend qu’elle n’a pas outrepassé les termes des traités. Quant à une intervention, le cabinet de Vienne en désavoue la pensée. Pourquoi ? Quand même la cour de Rome n’aurait pas déclaré d’une manière absolue qu’en aucun cas elle ne solliciterait une intervention étrangère, il est certain qu’en ce moment, loin de réclamer auprès d’aucun cabinet un pareil secours, elle manifeste l’intention de faire elle-même ses affaires en s’appuyant sur les libéraux modérés. Or, comment l’Autriche, sans violer tous les principes et tous les droits, sans montrer qu’elle entend traiter l’Italie en pays conquis, pourrait-elle intervenir dans les états du pape contre la volonté bien connue de Pie IX ? En 1831, quand l’effervescence qui régnait dans la péninsule éclata par une triple insurrection à Modène, à Parme, à Bologne, les trois gouvernemens qui se trouvaient ainsi assaillis invoquèrent sur-le-champ l’intervention de l’Autriche. Pour ne parler que des états pontificaux, les troupes autrichiennes les occupèrent plusieurs mois, sur l’invitation et du consentement du pape, dont elles n’évacuèrent le territoire qu’à la fin de juillet. L’année suivante, d’autres troubles amenèrent une nouvelle intervention de l’Autriche, encore sur la demande du pape. Il faut même remarquer qu’à cette époque les soldats pontificaux inspiraient une telle aversion aux Romagnols, que plusieurs villes se félicitèrent de recevoir dans leurs murs les Autrichiens, qui, par une discipline sévère, protégeaient au moins la tranquillité publique. Au surplus, cette popularité passagère des Autrichiens s’évanouit bientôt à la nouvelle que le drapeau français allait paraître en Italie. En effet, cette seconde invasion de l’Autriche dans les états romains mécontenta assez vivement M. Casimir Périer pour le déterminer à l’expédition d’Ancône, conduite avec tant d’audace et de bonheur. On voit que si l’Autriche, depuis 1830, est entrée deux fois sur le territoire pontifical, c’est qu’elle y fut appelée par Grégoire XVI. Aujourd’hui Pie IX lui déclare au contraire qu’il entend faire face aux nécessités de la situation sans le secours de l’étranger ; il a un langage tout-à-fait national, il a le cœur d’un véritable Italien, et il croit qu’il aura plus de puissance par sa popularité qu’il n’en pourrait trouver dans l’intervention autrichienne.

C’est ainsi que seize années d’ordre et de paix ont apporté dans la péninsule des modifications politiques et morales qui doivent inspirer au gouvernement autrichien des réflexions sérieuses. Il y a là des sentimens, des tendances, des progrès, dont on ne triomphe pas avec des baïonnettes. De quelque côté qu’elle tourne ses regards, en Toscane, en Piémont, l’Autriche est entourée de populations intelligentes travaillant à conquérir le bien-être matériel et la liberté civile. A coup sûr, un pareil esprit n’a rien qui puisse alarmer les gouvernemens ; aussi ces derniers, loin d’invoquer la protection étrangère, ont-ils vu, avec un chagrin qu’ils ont plus ou moins manifesté, l’occupation de la ville de Ferrare ; par ce nouvel empiétement, ils se sont sentis atteints dans leur souveraineté et