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le différend survenu avec l’Autriche, les avantages que lui donne sa position. A la voix de ses chefs, l’attitude du peuple de Rome et des légations est restée calme. Sauf l’émotion inévitable causée à Rome le jour où y parvint la nouvelle de la première entrée des Autrichiens à Ferrare, aucune manifestation intempestive n’est venue entraver l’action du gouvernement. Le pape ayant exprimé le désir de voir le peuple s’abstenir de toute démonstration, le mot d’ordre a été donné aux clubs, à la garde nationale, aux journaux ; Ciciruacchio l’a transmis à la foule, et tout s’est passé dans un ordre parfait. Le gouvernement pontifical, assuré de la tranquillité publique, a pu en toute sécurité organiser les gardes nationales, et, confiant dans son bon droit, opposer une réponse énergique aux prétentions de l’Autriche. On sait en quels termes il l’a fait. Le cardinal secrétaire d’état n’a point oublié l’ancien évêque de Rieti, courant, en 1831, sur les remparts et distribuant des armes à la population. Sa franchise un peu rude ne s’accommode guère des formes diplomatiques, et déroute parfois les habitudes et les traditions. Son allure loyale et résolue gêne beaucoup le parti rétrograde. Aussi la cabale tout entière est-elle conjurée contre lui, et sa ruine est le but de tous ses efforts. Elle a malheureusement encore plus d’une voie détournée pour faire arriver ses insinuations à l’oreille du pape, mais nous avons trop de confiance dans la sagesse de Pie IX pour croire qu’il puisse se laisser surprendre et donner sur ce point la moindre satisfaction à ses ennemis, qui ne manqueraient pas de l’interpréter comme un triomphe complet et décisif.

Les peuples qui traversent de laborieuses épreuves pour conquérir une liberté régulière peuvent prendre exemple sur une nation qui, depuis vingt ans, a été aux prises avec des difficultés de tout genre, sans y succomber : nous voulons parler de la Grèce. Les chambres viennent de s’ouvrir à Athènes, et le gouvernement a pu leur apprendre qu’il se croyait en mesure d’effectuer progressivement le paiement de la dette nationale, sans compromettre d’une manière fâcheuse les intérêts du trésor, de l’agriculture et de la navigation. Nous serions presque tentés de faire honneur de ce résultat aux exigences persévérantes de lord Palmerston, pour employer les expressions du discours de la couronne. En effet, c’est pour ainsi dire sous le feu des attaques du ministre anglais que M. Coletti a trouvé l’énergie nécessaire pour dissoudre la dernière chambre des députés, dans laquelle une opposition violente entravait la marche du gouvernement, pour en appeler à des élections nouvelles, y conquérir une majorité incontestable, et préparer les mesures importantes qui doivent fonder le crédit national. Cette fois encore, le gouvernement grec a trouvé l’assistance d’un généreux étranger, M. Eynard de Genève, qui continue de servir la cause de l’indépendance hellénique avec un dévouement que le temps n’a pu refroidir. Si M. Coletti n’a pas annoncé dans le discours de la couronne un heureux dénoûment des difficultés qui se sont élevées entre la Porte et la Grèce à l’occasion de M. Mussurus, c’est qu’il résiste encore à de nouvelles exigences du divan, qui paraît avoir été trop accessible aux suggestions de la diplomatie britannique. Toutefois le roi Othon a exprimé l’espoir que ce différend ne tarderait pas à se terminer d’une manière conforme à la dignité des deux états. Quand l’incident relatif à M. Mussurus éclata, il semblait, à voir l’effroi de bien des gens, que la guerre allait en sortir ; aujourd’hui l’affaire se trouve réduite à de plus modestes