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ce jour-là et que la scène se passait en place publique, l’honorable bourgeois, tenant le parapluie sur la tête de son souverain, lui récitait d’une voix sonore et d’un beau sang-froid l’éloge trop significatif du héros libéral qui n’aimait pas les piétistes. Le libéralisme a des échos plus courtois sans doute, mais aussi décidés, dans les rangs les plus élevés de la société silésienne, et là se rencontrent de nouveaux obstacles pour l’action politique du système prussien. Ancienne province de Bohême, la Silésie n’a jamais été fief d’empire ; il résulte de cet isolement où elle a vécu, par rapport au reste du corps germanique, qu’il s’y trouve même aujourd’hui beaucoup de petits seigneurs indépendans qui ne se croient pas plus Prussiens qu’ils ne se croyaient Autrichiens du temps de Marie-Thérèse. Des princes étrangers, comme le prince Frédéric de Hollande et le duc d’Anhalt-Koethen, possèdent même dans la province de ces espèces de souverainetés particulières. Ces souverains de vieille ou de fraîche date comptent souvent plus sur les lieux que les employés de la bureaucratie prussienne, et la plupart ont vis-à-vis d’elle non-seulement des préventions et des dédains aristocratiques, mais aussi les exigences plus éclairées d’esprits libéraux formés par l’étude des lois étrangères. Sur soixante-dix membres qui composaient la première curie du parlement prussien, la Silésie en fournissait vingt-quatre, et parmi ceux-là les chefs de la minorité qu’on pouvait appeler constitutionnelle.

Viennent enfin et Posen et le Rhin, les deux extrémités de l’empire celle qui diffère et doit différer le plus du reste par la conscience ineffaçable d’une nationalité à jamais distincte, celle par où s’infiltrent jusqu’au cœur de la monarchie les idées les plus contraires aux principes primitifs de son organisation. Posen ne sera jamais allemand, parce que les fautes mêmes des Polonais, leurs fautes morales et politiques, ne justifieront jamais l’iniquité violente sous laquelle a succombé leur patrie. Le Rhin ne se fera prussien qu’à la condition de transformer la Prusse pour se l’assimiler au lieu de lui devenir semblable. Là sont à coup sûr les élémens les plus réfractaires contre lesquels le cabinet de Berlin ait toujours à lutter, et je crois bien pouvoir dire qu’il ne terminera la lutte qu’en cédant à l’un et en se débarrassant de l’autre.

Il y a maintenant sur le Rhin un sentiment tout particulier de confiance, une confiance énergique comme l’instinct de la victoire dans