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chronologie égyptienne ? C’est un des plus curieux d’entre les problèmes qu’offre l’histoire de l’ancienne Égypte, cette histoire que l’on commence à reconstruire avec des débris.

Près des pylônes est un temple dédié au dieu Khons dont les Grecs traduisaient le nom par celui d’Hercule[1]. Ce temple ne présente pas, comme le palais de Karnac, l’empreinte de la puissance des Ramsès, mais il offre, ce qui est plus curieux peut-être, les traces d’une usurpation qui a suivi cette puissance. Le temple de Khons a été élevé sous les faibles descendans du grand Ramsès II, celui que l’admiration des peuples confondait avec l’antique Sésostris. Auprès de leurs noms sans gloire, on voit figurer les noms des membres d’une famille de prêtres thébains, qui substituèrent graduellement le pouvoir théocratique au pouvoir militaire. Le plus ancien de ces prêtres a bien déjà placé son nom dans cet encadrement qu’on appelle un cartouche et qui distingue les noms royaux, mais il n’a pas encore osé écrire à côté le titre de roi ; il s’appelle seulement grand prêtre dans la demeure d’Ammon. Cependant Rosellini a été assez heureux pour découvrir un endroit obscur du temple où le prêtre ambitieux, roi de fait, roi honteux, a timidement osé prendre dans l’ombre le titre royal. De pareilles précautions, accompagnant et déguisant le plus possible une usurpation graduelle du pouvoir et de la dignité des Pharaons, nous font mieux assister qu’aucun récit ne le pourrait faire aux divers degrés et, pour ainsi dire, aux pas successifs de cet empiétement d’une théocratie qui, cachée dans l’ombre du sanctuaire, en vient insensiblement à remplacer par fraude et par ruse la glorieuse famille des conquérans. Ainsi la lecture de quelques noms propres a révélé toute une révolution dont le résultat a été de faire monter une race sacerdotale sur le trône guerrier des Ramsès.

On remarque deux pieds dessinés en plusieurs endroits sur la plate-forme du temple. Ces deux pieds, qui semblent indiquer un pèlerinage accompli dans le lieu saint, sont en général accompagnés d’inscriptions en caractères vulgaires. C’est qu’alors le pèlerin était de condition populaire et ne s’élevait pas jusqu’à l’écriture hiéroglyphique. Cependant j’ai relevé une inscription eu hiéroglyphes, disposée comme les autres à côté des pieds mystérieux. On voit par l’inscription que cette fois le pèlerin était un prêtre, ce qui explique l’emploi qu’il a fait d’une écriture plus savante.

  1. M. Prisse a fait dans ce temple des fouilles importantes. Il y a découvert douze chambres : dans l’une d’elles, il a trouvé, ce qui était jusqu’ici sans exemple, la représentation d’un dieu à tête de lion. M. Prisse a aussi déterré un petit temple plus voisin du palais de Karnac, et il y a lu le nom du roi éthiopien Taraka (le Zarach de l’Écriture). Ce nom est souvent martelé. Le petit temple découvert par M. Prisse renferme de curieuses représentations de divinités inconnues, peut-être éthiopiennes.