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prononcés. » C’était alors le seul exemple qu’on eût trouvé sur les monumens de l’Égypte de figures se distinguant, par un sentiment plus vrai et un rendu plus sincère, du style convenu et abstrait qui en général caractérise la sculpture égyptienne. Maintenant que L’Hôte et M. Prisse ont fait connaître des représentations trouvées d’abord à Psinaula, puis ailleurs et à Thèbes même, de personnages dessinés dans des attitudes expressives jusqu’à la contorsion, l’exception unique alors que présentaient les bas-reliefs du roi éthiopien de Louksor, en intéressant toujours autant Champollion, l’étonnerait moins.

Enfin le nom d’Alexandre, que nous avons trouvé à Karnac, se retrouve ici. Un Alexandre est dit avoir réparé l’ancien monument d’Aménophis. Champollion pense que cet Alexandre est le fils et non le frère du conquérant. A cela près, Louksor est pur de monumens appartenant à l’époque grecque, qui en Égypte commence la décadence de l’art, et à l’époque romaine, qui la consomme.


23 janvier.

Nous avons visité aujourd’hui la rive gauche du Nil ; une barque nous a portés de l’autre côté du fleuve. Là nous avons trouvé des ânes, qui, en ce pays, attendent le voyageur partout où il y a quelque chose à voir. On a le choix des montures, et, si l’on s’est muni à Alexandrie d’une bonne selle, en la plaçant sur le baudet le plus vigoureux, on peut se transporter rapidement et sans fatigue vers les différens points que l’on veut explorer. Un voyage en Égypte, c’est une partie d’ânes et une promenade en bateau entremêlées de ruines.

Remontant la plaine de Thèbes du nord au sud, parallèlement au Nil, sur la rive gauche, comme nous l’avions fait sur la rive droite, nous avons d’abord rencontré Gournah. C’est le nom d’un édifice beaucoup plus simple que ceux de Louksor et surtout de Karnac. Gournah est un monument de l’âge des Ramsès ; aucune partie de l’édifice ne date d’une époque antérieure ; il n’offre donc pas le même intérêt historique que Karnac ou Louksor ; il n’est pas non plus d’un effet aussi extraordinaire. Vu de face, il rappelle davantage un temple grec. Deux pylônes isolés, que réunissait une avenue de sphinx, élèvent à une certaine distance de l’édifice leurs massifs inclinés[1]. Arrivé au monument lui-même, on est immédiatement en présence d’un portique de cent cinquante pieds, soutenu par dix colonnes. L’aspect qu’il offre aux yeux n’a rien de gigantesque ; il est sévère et seulement grand. Cela repose de Karnac. Il y a bien ici une salle soutenue par des colonnes ; mais, au lieu d’en compter cent trente-quatre, on en compte six. Cependant le monument de Gournah date des mêmes règnes que

  1. Quand les pylônes, au lieu de servir d’encadrement à l’entrée du temple, sont ainsi isolés comme des arcs de triomphe, on les appelle propylons.