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la salle de Karnac, les règnes glorieux de Séthos et de son fils Ramsès-le-Grand, qu’on a confondu avec Sésostris. De même aussi le père construisit l’édifice, et le fils y mit la dernière main, les derniers ornemens. C’est ce que dit clairement la dédicace traduite par Champollion.

Les nombreuses représentations qui couvrent les murs de l’édifice retracent, comme de coutume, le Pharaon faisant hommage aux dieux et recevant d’eux la puissance et l’empire. C’est une consécration perpétuelle du pouvoir royal par l’autorité divine, et, remarquons-le en passant, sauf à y revenir plus tard, sans l’intermédiaire du sacerdoce. C’est le roi qui est le prêtre, c’est lui qui offre l’encens ou les pains sacrés ; c’est à lui que chaque dieu invoqué répond par cette légende, qui ne manque jamais : « Nous t’accordons la force, la puissance, la victoire, etc. » Souvent le dieu et le roi sont debout tous les deux et semblent presque traiter sur un pied d’égalité, Plus on étudie les monumens égyptiens, plus on est frappé de l’idée que la royauté participait, jusqu’à un certain point, du caractère de la divinité. Ici on en trouve une preuve frappante. Dans une salle de Gournah, on voit Ramsès Ier, le chef de la famille de ce nom, l’aïeul de Ramsès Sésostris, placé derrière Ammon, le grand dieu de Thèbes, recevoir, sous les emblèmes divins d’Osiris, avec lequel il semble identifié, les hommages religieux de son petit-fils.

J’aurai occasion de reparler souvent de ce culte des rois assimilés aux dieux par la religion ; je me contente d’en noter un remarquable exemple. Nous sommes bien loin de cette fameuse théocratie d’Égypte, de cet empire absolu des prêtres sur les rois dont il a été si souvent question. L’étude des monumens égyptiens peut, je pense, redresser beaucoup d’opinions légèrement formées et opiniâtrement transmises touchant l’état religieux et social de l’Égypte. Le témoignage des Grecs, surtout celui d’Hérodote, a son prix, mais le témoignage de nos yeux est encore plus sûr. A quelques égards, nous pouvons voir l’ancienne Égypte mieux qu’Hérodote ne l’a vue, car elle vit tout entière, mille fois reproduite, sur les parois des temples et des tombeaux. Or, les temples ne lui étaient pas aussi accessibles qu’à nous. Le temps, cet hiérophante universel, a fait tomber les portes qui se fermaient devant les pas des profanes ; il a fait entrer le jour dans les tombeaux où ni la lumière du ciel ni le pied de l’homme ne pouvaient pénétrer. Enfin nous ne sommes pas obligés, comme Hérodote, de nous en rapporter au témoignage des prêtres. Souvent nous pouvons lire ce qu’ils traduisaient à leur gré. L’Égypte, pour Hérodote, était un livre fermé dont on lui racontait le contenu merveilleux ; pour nous, c’est un livre ouvert que nous commençons à déchiffrer.

De Gournah nous sommes allés faire visite non plus à une curieuse antiquité, mais à un docte antiquaire, M. Lepsius, si connu par ses importantes