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de magnifiques colonnes, là par de puissantes cariatides ; cette cour est une des merveilles de l’Égypte. Nulle part, même à Karnac, la grandeur des Pharaons n’est représentée par une suite de bas-reliefs aussi remarquables que ceux de la grande cour de Médinet-Habou. Sur le mur méridional du péristyle, le Pharaon triomphe de ses ennemis par les armes, et, assis sur son char dans la tranquille majesté du triomphe, il voit entasser devant lui des mains coupées et les résultats d’une autre sorte de mutilation exercée sur les vaincus[1]. Sur le mur opposé, la royauté conquérante des Ramsès a déployé toute sa magnificence. La pompe royale, représentée sur ce mur du péristyle, est en ce genre ce que les antiquités égyptiennes offrent de plus imposant. On voit le Pharaon porté en triomphe dans une châsse comme une divinité, entouré de sa cour et des chefs de son armée, tour à tour encensé comme dieu et brûlant lui-même l’encens sur l’autel d’Horus. C’est évidemment la représentation d’une cérémonie destinée à célébrer le couronnement du roi, une sorte de sacre triomphal. Pour l’analyse de ce tableau, qui n’offre pas moins de deux cents personnages, je ne puis que renvoyer à la description exacte et animée de Champollion[2].

Des colonnes corinthiennes, débris d’une église chrétienne, s’élèvent au milieu de la cour si bien conservée de Médinet-Habou. L’édifice antique est intact ; c’est la ruine qui est moderne.

Les murs extérieurs de la grande cour de Médinet-Habou sont couverts de bas-reliefs comme les murs intérieurs. Sur la paroi du sud est un calendrier sacré contenant l’indication des fêtes de chaque mois, c’est-à-dire un tableau complet de la vie religieuse des Égyptiens ; mais ce curieux document est en partie enfoui sous le sol amoncelé contre le mur. Le déblaiement serait facile. On en peut dire autant de plusieurs des tableaux de la paroi septentrionale, qui représentent les divers événemens d’une campagne entreprise par Ramsès Meiamoun, dans la onzième année de son règne, contre plusieurs peuples asiatiques dont les noms se trouvent dans le récit hiéroglyphique gravé au-dessus des bas-reliefs. Il y a là une grande page d’une histoire inconnue à mettre en lumière.

Enfin il y aurait un autre déblaiement à faire dont l’importance n’est pas moins évidente. Les deux cours dont j’ai parlé formaient les abords magnifiques du bâtiment de Médinet-Habou. Ce bâtiment lui-même est rempli de terre et de débris, on n’y a jamais pénétré. Après les deux péristyles entourant une cour sans toit devait venir une salle couverte comme celle de Karnac, remplie aussi de colonnes et, à en juger par ce qui précède, digne de lui être comparée. C’est là ce qui est encombré,

  1. Quelque chose d’analogue a lieu encore aujourd’hui chez les Gallas d’Abyssinie. Voyez le Voyage de M. Rochet-d’Héricourt.
  2. Lettres, p. 243 et suivantes.