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sur les caisses de momies. C’est un long office des morts à l’intention du roi pour lequel a été creusé le tombeau. En avançant, les représentations figurées se montrent parmi les inscriptions hiéroglyphiques. C’est toujours, comme dans les papyrus funéraires, mais sur une échelle infiniment plus considérable, l’histoire de l’ame après la mort, le tableau des épreuves qu’elle doit subir, des jugemens qui sont prononcés sur elle par les dieux et par une foule de génies à tête d’homme, de quadrupède, d’oiseau et de serpent. Les ames auxquelles est imposé ce long et terrible pèlerinage traversent le feu et l’eau, s’arrêtent dans des lieux paisibles parmi des arbres et des moissons, puis continuent leur marche souvent à travers les supplices. Ici on les voit mutilées et décapitées ; plus loin elles ont retrouvé leurs membres et leurs têtes. On avance, comme Dante, cheminant à travers les cercles de l’enfer ; seulement tout cet enfer semble marcher avec vous et tendre vers un but mystérieux. Quel est ce but ? peut-il être deviné par nous ? pouvait-il être atteint par elles ? ou étaient-elles destinées à aller et à revenir ainsi sans repos et sans fin, sans sortir jamais du cercle infini de l’existence et de la douleur ? Ce sont là des questions que je me pose avec une ardente curiosité et une sorte d’effroi en descendant et en remontant ces longues galeries. Peut-être, quand je serai revenu plusieurs fois dans ces lieux que je ne fais que traverser aujourd’hui, trouverai-je une réponse à ces questions formidables. Je ne fais à cette heure que recueillir l’impression de l’ensemble, impression sublime que j’affaiblirais en cherchant à l’analyser. A peine si je remarque les chambres latérales qui, dans plusieurs tombeaux, s’élèvent des deux côtés de la galerie souterraine. Je reverrai ces chambres dont chacune mérite d’être étudiée à part. Je ne m’arrête que dans la dernière, celle où était le sarcophage du monarque et où on le retrouve souvent encore aujourd’hui. Ici sont déployées toutes les magnificences de la mort et toutes les splendeurs de la vie future. Les plafonds sont étincelans de la clarté des étoiles, parmi lesquelles rayonne le soleil de l’autre monde, image du Pharaon qui, parvenu au séjour de la lumière, voyage parmi les astres dans la barque divine à travers les cieux.

Encore étourdis de ces merveilles, nous sommes allés profiter de l’invitation hospitalière de M. Lepsius, qui, entouré des membres de l’expédition prussienne, nous a reçus dans l’habitation préparée pour les étrangers par la généreuse prévoyance de M. Wilkinson. J’accablais M. Lepsius de questions, auxquelles il ne m’a pas semblé répondre avec une discrétion trop exagérée. Il nous a montré de fort beaux dessins. Je ne voudrais pas affirmer que ce fût précisément ce que ses portefeuilles contenaient de plus neuf et de plus curieux ; mais tout a été offert avec courtoisie et accueilli avec gratitude. Je n’ai pas touché, sans un certain respect, ce livre des Rois, commencé par lui avant son voyage