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date de 1624. Le second carton renferme un sonnet adressé au cardinal : « Sonnetto fatto e solo donato all’ illustrissimo signor cardinal de Richelieu… » Cette expression, solo donato, semble rétracter la dédicace des cinq premiers sonnets, qui peut-être avait déplu à Richelieu. Le premier vers donnera une idée suffisante de la pièce entière :

Porporato Solon, sacro Lycurgo…

L’auteur finit, comme dans la dédicace en prose, par une allusion à la future papauté d’Armand du Plessis :

Tre diademate cingendo…

La date de 1624, qui est celle de l’entrée même de Richelieu au conseil, et qui, par conséquent, est antérieure à tous les grands résultats qui ont illustré son ministère, rend moins concevable encore la prédiction du comédien à l’éminence. Au reste, cet hyperbolique horoscope prouve au moins une chose, l’attente immense et universelle qu’excitaient, dès leurs débuts, le génie et la fortune de Richelieu.

Le premier sonnet du Teatro celeste est composé en l’honneur de saint Genest, qui devait bientôt être plus dignement célébré par la tragi-comédie de notre Rotrou :


« Tandis que Genest, sur la scène antique, mêle à la cythare d’or les accens des théâtres d’Orphée, les hommes attentifs semblent de marbre, et toutes les sirènes se taisent comme endormies.

« Mais au moment où, comme un dragon farouche, il va lancer sa morsure contre le baptême, Dieu émousse sur ses lèvres l’altière dérision, et, puissant correcteur, réfrène sa témérité impie.

« Comme l’avide guerrier de Tarse renversé de son cheval se releva, touché de repentir et ne désirant que la croix avec le Christ, ainsi Genest, au moment où il va se jouer du baptême, a reconnu son erreur véritable dans des eaux feintes. Tout dans le début était infernal ; tout est divin dans le dénoûment. »

Le second sonnet adressé à saint Sylvain, autre comédien converti, se termine par un jeu de mots intraduisible :

« Scènes, quittez vos antiques honneurs ! Ne vous enorgueillissez plus de vos parures d’or, ni de vos pierres précieuses ! Les herbes recouvrent maintenant vos grandeurs ; votre antique beauté n’est plus qu’une horrible misère.

« L’éternité, cette incessante ouvrière, réserve ses trésors pour les théâtres du ciel. Là s’épanouit la fleur, là reverdissent les gazons ; là, pour musiciens, on a les chœurs des anges. C’est à la clarté de la lune et du soleil que le poète en trois personnes fournit le sujet sublime. Les spectateurs sont l’assemblée des bienheureux.

« Voyez-vous ce comédien qui tresse des palmes avec une pieuse et ineffable grace, c’est Sylvain, le nouvel hôte des forêts du ciel (Selvano… selve). »