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de l’excellent personnage pantagruélique de Francatrippe ; Simone, de Bologne, qui jouait le second Zani, sous le nom alors très nouveau d’Arlequin[1] ; Girolamo Salimbeni, de Florence, très amusant sous les traits du Zanobio (le vieux bourgeois de Piombino) ; la signora Silvia Roncagli, de Bergame, qui remplissait à merveille les rôles de soubrettes sous le nom de Francheschina ; Lodovico, de Bologne, qui portait très plaisamment la robe du Dottore Graziano ; enfin Francesco Andreini, de Pistoie, qui jouait de tous les instrumens de musique, parlait six ou sept langues, et était, suivant l’expression du savant comédien Francesco Bartoli, un acteur universel. Il avait, en effet, commencé par l’emploi des amoureux, puis il s’était appliqué à rajeunir le rôle de capitan, qu’il jouait avec une grande supériorité sous le nom de Capitano Spavento della valle inferna, ce qui ne l’empêcha pas de créer à l’occasion d’autres types fort amusans, celui du Dottore siciliano, par exemple, et celui d’un certain magicien, nommé Falcirone, auquel, suivant son propre témoignage, il faisait parler le français, l’espagnol, l’esclavon, le grec moderne et même le turc. Mais le vrai diamant de cette troupe, la gloire des Gelosi, était une jeune fille de Padoue, nommée Isabella, qui, à peine âgée de seize ans, se faisait admirer par sa beauté, ses rares talens en tous genres et sa vertu. Francesco Andreini devint passionnément amoureux de cette belle personne, et fut assez heureux pour lui faire accepter sa main. L’année suivante (1579), la troupe des Gelosi étant encore à Florence, Isabella mit au monde un fils, J.-B. Andreini, l’auteur de notre Teatro celeste.

Vers le même temps, les Gelosi éprouvèrent une perte sensible. Adriano Valerini les quitta pour prendre la direction des Comici Uniti. C’est vraisemblablement à la tête de cette troupe qu’il fut, en 1583, honorablement accueilli à Milan par le cardinal Borromée. Cependant les Confidenti et les Gelosi continuèrent à faire de temps à autre des voyages en France. Nous trouvons des tracés du séjour des Confidenti à Paris en 1584 et 1585. Un acteur de cette troupe, Fabritio de Fornaris, fit jouer par ses camarades et publia en 1584, chez Abel l’Angelier, une pastorale de Bartolomeo Rossi intitulée Fiammella ; il fit paraître, l’année suivante, chez le même libraire, une comédie de sa façon, Angelica, jouée d’abord all’ iinprovviso, avec beaucoup de succès, notamment chez le duc de Joyeuse, qui en accepta la dédicace.

  1. Rien n’est plus ancien assurément que le personnage de Zani, avec sa tête rasée, sa face noircie, son costume bariolé. C’est bien le descendant des anciens mimes, des Sanniones ; mais, quant au nom d’Arlecchino, il est, suivant moi, assez moderne. C’est un nom de fantaisie, comme Fritellino, Coccodrillo, Francheschinavi, et je crois qu’on a eu tort d’en rechercher l’origine hors de l’Italie.