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et pour laquelle il composa sa première pièce de théâtre, la tragédie de Florinda, ainsi nommée du nom que Verginia Ramponi portait au théâtre ; Girolamo Gavarini de Ferrare, ce même capitano Rinoceronte, qui mourut si dévotement à Paris, sur un cilice, le 2 octobre 1624, comme nous l’avons raconté ; enfin, la femme de Gavarini, Margherita Luciani, presque aussi dévote que son mari, auquel elle ne survécut que peu de mois. Plus tard, nous voyons se distinguer, parmi les Comici Fedeli, une actrice d’un grand mérite, nommée Lidia, qu’Andreini, devenu veuf, épousa vers 1635 ; puis, à un plus long intervalle encore, nous apparaît une jeune et charmante comédienne, Eularia Coris, qui vint jeter un dernier éclat sur cette troupe affaiblie. En 1652, elle contribua, avec Lidia, au bon accueil que reçut à Milan la reprise de la Maddelena lasciva e penitente. Cette bizarre composition, intitulée par l’auteur une action dramatique et dévote, avait été jouée pour la première fois en 1607. La liste des personnages est curieuse. Outre Madeleine, Marthe et Lazare, les principaux acteurs sont l’archange Michel et plusieurs anges, la Grace divine, trois amans de Madeleine, son page, ses servantes, son sommelier, son cuisinier, ses deux nains et trois vieilles de mauvaise renommée, di bassa stima. Dans les trois premiers actes, il n’est question que de galanteries, de fêtes, de festins. Madeleine, livrée à tout l’emportement des sens, ferme l’oreille aux sages conseils que lui donne Marthe, sa soeur. Dans le troisième acte, pénitente et contrite, elle renonce aux plaisirs, se couvre d’un cilice, est favorisée de visions extatiques, et monte enfin au ciel, portée sur les bras de quinze chérubins, tandis que l’archange Michel et la Grace divine exhortent l’auditoire à suivre l’exemple de la pécheresse réconciliée.

Je ferais un livre, au lieu d’un article, si j’entreprenais d’exposer, même sommairement, toutes les productions lyriques, épiques et dramatiques de ce trop fécond écrivain ; je sortirais également du cercle que je me suis tracé, si j’essayais de suivre les Comici Fedeli dans toutes leurs pérégrinations en Italie et jusqu’au fond de l’Allemagne. Cette tâche appartient à la critique italienne, qui ne l’a jusqu’ici que très confusément remplie. Je dois me borner à indiquer ce qu’Andreini et ses acteurs ont fait plus particulièrement pour la France.

En 1613, Andreini composa une pièce religieuse en vers (sacra rappresentazione), qu’il dédia à Marie de Médicis. C’était une sorte d’opéra ou plutôt de mystère, intitulé l’Adamo, joué et imprimé pour la première fois, cette année même, à Milan, avec de curieuses figures de Procaccini[1]. Cet ouvrage a conservé jusqu’à nos jours quelque célébrité pour avoir servi de texte à une accusation de plagiat

  1. On trouve joint à quelques exemplaires un beau portrait de l’auteur.