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ayant été contrainte de se lever, on ouvre ce coffret duquel sortent à l’instant trois diables qui emportent et troussent en masse M. le conseiller, le commissaire et le sergent ; chaque diable s’étant chargé du sien. Ce fut la fin de la farce de ces beaux jeux, mais non de ceux que voulurent jouer après les conseillers des aydes, commissaires et sergens, lesquels, se prétendant injuriés, se joignirent ensemble et envoyèrent en prison MM. les joueurs ; mais ils furent mis dehors le Jour même par exprès commandement du roy qui les appela sots, disant, sa majesté, que s’il falloit parler d’intérêt, il en avoit reçu plus qu’eux tous, mais qu’il leur avoit pardonné et pardonneroit de bon cœur, d’autant qu’ils l’avoient fait rire, voire jusqu’aux larmes. Chacun disoit que de long-temps on n’avoit vu à Paris farce plus plaisante, mieux jouée ni d’une plus gentille invention, mêmement à l’hôtel de Bourgogne, où ils sont assez coutumiers de ne jouer chose qui vaille. »

Je m’arrête et me résume : j’ai montré assez clairement, je crois, qu’outre les troupes italiennes qui ont pu ne pas laisser de traces de leur passage, cinq grandes compagnies d’acteurs italiens sont venues, de 1570 à 1645, c’est-à-dire de Henri III à Mazarin, divertir la cour et la ville. Ces troupes sont les Confidenti, les premiers Gelosi, les Comici Uniti, les seconds Gelosi, les Fedeli. J’ai tâché de prouver que ces comédiens ne jouaient pas seulement sous le masque des comédies improvisées, mais aussi des pièces régulières, comme l’Aminta, en un mot des drames écrits, ayant, sinon de grands mérites, du moins de grandes prétentions littéraires. Enfin je crois avoir rendu probable que ces comédiens étrangers mêlèrent quelquefois le français à leur patois, et se risquèrent, sous cette sorte de masque, à tenter quelques essais de comédie politique. D’ailleurs, en jetant sur le papier ces pages trop rapides, je n’ai pas eu la prétention d’écrire une histoire ; j’ai voulu seulement tâcher de fixer quelques points, tracer quelques lignes, ouvrir et disposer un cadre. De plus habiles le rempliront.


CHARLES MAGNIN.