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faire pencher la balance du côté des privilèges et à prêter main-forte à la monarchie. Le régime constitutionnel, tel que nous l’avons adopté et tel que le demandait un nombreux parti, ne lui sembla pas une machine de guerre assez puissante dans une œuvre qui devait être une œuvre de résistance et de destruction avant d’être une œuvre de conciliation et de paix. Elle rejeta la triplicité des pouvoirs, réduisit à une seule chambre le pouvoir délibératif, et ne voulut rien admettre entre l’hérédité royale et l’élection populaire. Quel combat à mort se livrèrent ces deux forces placées face à face, quels déchiremens et à la fin quel holocauste marquèrent le duel terrible de la monarchie et de la république, c’est ce que les trois années qui suivirent 89 développent avec une force et une suite accomplies, dans leur cours régulier comme une déduction logique, lugubre et passionné comme un drame.

Remarquons-le ici par provision : il faut être bien aveuglé pour conclure, comme quelques-uns le font autour de nous, de cette lutte tragique à l’impossibilité radicale de l’harmonie des pouvoirs et par conséquent de la monarchie constitutionnelle. Qu’on veuille en effet prendre un peu la peine d’y songer : on verra qu’il n’y a à cet égard que deux hypothèses possibles, dont l’une est à l’honneur du gouvernement constitutionnel, et dont l’autre ne peut tourner contre lui. Ou bien la chambre haute, proposée par les disciples de l’école anglaise, eût assis le gouvernement, rassuré les monarchies étrangères, fait entrer la royauté dans une voie moins ambiguë, la tenant à égale distance des concessions extrêmes et des coups d’état, contenu enfin et satisfait la nation qui, même dans ses représentans les plus avancés, ne songea que fort tard à la république, et alors le gouvernement parlementaire, avec sa royauté limitée et ses deux chambres, eût épargné au pays des flots de sang, et cette longue et terrible alternative d’anarchie et d’oppression, et ces représailles de trente ans de l’ancien et du nouveau régime. Ou bien, si cette hypothèse est une pure chimère, s’il était nécessaire que le char révolutionnaire avançât, avançât toujours, jusqu’à ce qu’il eût écrasé toutes les résistances, s’il fallait que la démocratie étouffât la royauté ou fût étouffée par elle, c’est, on doit l’avouer, un étrange abus de raisonnement de tirer d’une situation sans analogue, d’une crise exceptionnelle, unique dans l’histoire, la preuve d’une incompatibilité naturelle et absolue entre le pouvoir d’un roi et celui d’une assemblée. Quelque supposition que l’on choisisse, ceux qui vont actuellement chercher dans les annales révolutionnaires des argumens contre le régime représentatif sont condamnés ou à recevoir un démenti des probabilités, du moins des possibilités historiques, ou à faire dire à la réalité ce qu’elle n’enseigne en aucune sorte. On peut donc l’affirmer avec assurance, si la révolution, compulsée dans les théories, dans les discours auxquels ont donné lieu les principales questions constituantes, comme la délimitation de la puissance délibératrice et de la puissance exécutive, le veto, le droit de paix et de guerre, n’a pas énoncé un seul argument sérieux et décisif contre le régime constitutionnel, dont elle s’est écartée beaucoup plus par l’entraînement des circonstances que par système et parti pris, ses luttes, maintenant exploitées en haine des théories d’équilibre, ne fournissent pas plus de raisons valables contre l’union de l’hérédité et de l’élection, de la royauté et de la représentation nationale.

L’argument le plus fort contre le gouvernement représentatif, celui qui défraie