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la polémique anti-constitutionnelle soutenue à la chambre des députés et dans les écrits périodiques, par qui ? Par le parti constitutionnel lui-même contre ses adversaires, qui, à leur tour, prirent en main la cause des principes fondamentaux du gouvernement représentatif. Comment s’explique ce fait étrange ; on le sait. On sait que les élections de 1815 avaient envoyé à la chambre une majorité presque féodale. Le roi, averti par la rude expérience de 1814, inclinait aux concessions. La majorité, systématiquement hostile à tout ce qui en avait l’apparence, soutint donc la prérogative parlementaire, tandis que l’opposition, obéissant à des intérêts de circonstance, défendait de son côté avec une singulière énergie la prérogative royale. Ce fut un jour curieux que celui où M. de Serre, un esprit si élevé et au fond, malgré son attachement à l’antique dynastie, si véritablement libéral, vint prononcer des paroles comme celles-ci, aux applaudissemens de la gauche et aux murmures de la droite : « La France attend un concours filial de ses députés aux desseins paternels de son roi et non une indépendance qui puisse le contrarier. » M. Roger-Collard combattait aussi le pouvoir de l’assemblée et soutenait que la royauté devait avoir « une influence de direction » sur les chambres, et que c’était à elle, non aux majorités, qu’il appartenait de faire et de défaire les ministères, s’appuyant sur cette raison de nos jours encore si souvent invoquée qu’il faut, dans un pays qui n’a pas d’aristocratie pour faire contrepoids, un pouvoir directeur pour balancer et pour régler la démocratie. Le cours des événemens rendit aux partis leur véritable caractère. Ce fut un vigoureux manifeste de la polémique anti-constitutionnelle que le rapport de M. de Chantelauze et le coup d’état de 1830. Ce fut une réfutation plus forte encore que les barricades et que l’élévation au trône d’un prince de la branche cadette.

Aux luttes de la parole se mêlèrent, pendant les quatre premières années du nouveau règne, les luttes à main armée, et la polémique anti-constitutionnelle, vaincue sous la forme du droit divin, descendit dans l’arène avec le radicalisme. L’attaque vint cette fois du principe de la souveraineté populaire, qui se voyait ajourné et essayait avant de se résigner un dernier et énergique effort. Le gouvernement constitutionnel triompha ; il triompha si bien que désormais ce ne fut plus de ce côté que lui vinrent ses principales craintes.

Nous venons de dire comment la polémique actuelle se rattache au passé par la plupart de ses argumens, comment à bien des égards elle n’en semble être que la redite. Il nous reste à indiquer le caractère qui la distingue. Ce caractère, pour le marquer d’un seul trait, me parait être celui-ci. Pour le fond de ses attaques, la polémique anti-constitutionnelle (nous parlons moins de celle des journaux que de celle des livres) fait alliance en général avec les idées socialistes ; le plus souvent aussi, elle essaie d’attirer à elle l’autorité de l’histoire. C’est à ce trait essentiel que se rapportent et que nous rattacherons quelques-uns des écrits récens auxquels cette polémique a donné naissance.

Parmi ces écrits (ce n’est point ici le moment de parler ni de M. Buchez ni de M. Louis Blanc), nous nommerons d’abord un livre de M. Henri Martin, intitulé : De la France, de son génie et de ses destinées. Ce livre, qui résume avec une certaine énergie les tendances auxquelles nous venons de faire allusion, n’est pas autre chose qu’un manifeste passionné contre le gouvernement représentatif. Le grand argument de M. Henri Martin contre le régime constitutionnel