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condamne. L’autre esprit, c’est celui du théoricien pressé de conclure, et qui prend trop vite nu abus ordinaire pour un excès monstrueux, une imperfection pour un vice, une résistance momentanée pour une conspiration préparée de longue main. C’est le premier de ces esprits qui, tout en empruntant aux idées socialistes la violence des critiques qu’elles adressent à l’état actuel, défend avec une louable fermeté dans les pages peut-être les mieux inspirées de son livre le principe des nationalités et proteste contre le despotisme d’un socialisme compressif. C’est le second qui lui fait invoquer outre mesure l’intervention de l’état en matière d’industrie et de commerce. Il n’y a qu’un moyen de concilier ces deux esprits, d’affermir l’un en ce qu’il a de bon, de régler l’autre en ce qu’il a d’excessif : c’est de se garder d’attaquer dans ses fondemens le régime constitutionnel, de jeter un irrévocable anathème à la classe moyenne, même en critiquant ses actes, même en blâmant ses défauts. Cette mesure sera-t-elle adoptée par ceux qui suivent le même parti que M. Henri Martin ? On doit le souhaiter, et pour l’affermissement de la bourgeoisie, qui ne peut gouverner avec sécurité qu’en étant populaire, et pour l’avancement sérieux des classes inférieures, qui ne peuvent rien sans le concours de la bourgeoisie.

C’est aussi au nom des réformes sociales que l’auteur d’un livre intitulé la Démocratie au dix-neuvième siècle ou la Monarchie démocratique se porte l’adversaire du gouvernement représentatif. Il est vrai qu’indépendamment du peu de valeur qu’il lui attribue pour les résoudre, M. Calixte Bernai ne lui épargne pas non plus les critiques à titre de pur mécanisme politique. La division, les déchiremens intérieurs, et par suite l’impuissance, voilà les seuls caractères à peu près qu’il consente à lui attribuer. L’auteur de ce livre passe en revue toutes les formes de gouvernement connues, et il les condamne toutes à tour de rôle au nom de l’histoire. Cependant il leur reconnaît à toutes, par cela seul qu’elles ont duré, une valeur au moins de circonstance, et, dans de courts chapitres où il paraît se proposer pour modèle la concision de Montesquieu, il leur fait la part de vérité et d’erreur. Moins généreux à l’égard du gouvernement constitutionnel, ce dédaigneux détracteur ne lui accorde aucun avantage. Le gouvernement constitutionnel aura bien de la peine à se relever de l’arrêt hautain de M. Calixte Bernal. Cependant l’auteur de la Monarchie démocratique, qui l’éconduit avec un sans-façon qui ne serait permis qu’au génie et que le génie affecte rarement, voudra bien lui permettre de balbutier quelques mots pour sa défense et d’examiner à son tour les théories dont le hardi critique se fait l’apôtre.

Un des principaux argumens de l’auteur contre le régime représentatif est tiré de la royauté constitutionnelle asservie par la majorité ou l’asservissant à ses volontés par force ou par adresse. Nous ne reviendrions pas sur cet argument de la polémique anti-constitutionnelle, déjà vingt fois exprimé, s’il ne nous fournissait l’occasion de faire une remarque qui s’applique également aux partisans extrêmes de la prérogative royale et à ceux qui, regardant comme illusoire le rôle de la royauté, du moment qu’elle ne jouit pas de la prépotence, trouvent plus simple de la supprimer comme un rouage inutile. La critique de la royauté constitutionnelle, telle que l’a faite par exemple avec tant de verve au profit de l’initiative royale M. Henri Fonfrède, telle que l’entreprennent au profit d’idées entièrement opposées les écrivains dont nous analysons les ouvrages, pèche, ce nous semble, en ce qu’elle paraît exiger des constitutions une sorte de précision