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sa part considérable de démocratie et de liberté, est-il devenu, par la marche nécessaire des faits, non-seulement la seule garantie des peuples, mais la seule garantie d’ordre et de durée pour les gouvernemens ? Ce n’est pas nous qui voulons l’apprendre à M. Capefigue. Il y a un homme qui, mieux que tout autre en France, sera capable de le renseigner : c’est celui-là même auquel il adresse son livre et ses conseils. Que M. Capefigue prenne la peine de jeter un coup d’œil sur l’Histoire de la civilisation française et sur un ouvrage qui a fait du bruit autrefois, le Gouvernement représentatif ; il y verra tout au long la réfutation de ses erreurs. Il apprendra à tirer les conclusions pratiques de l’histoire de notre pays, qu’il a écrite, à ce qu’il paraît, sans la comprendre.

Uniformité, et impuissance des attaques, subordination ou sacrifice de la réalité à la logique abstraite, théorie de la force, soit qu’elle s’appuie sur le droit divin, soit qu’elle invoque le gouvernement des masses, retour vers le passé, c’est-à-dire vers la domination exclusive d’un principe unique, malgré l’histoire et l’expérience, qu’on n’invoque que pour signaler et exagérer les imperfections du régime représentatif, tel nous a paru être le fond toujours identique de la polémique anti-constitutionnelle. Elle n’a, dans ces derniers temps, répudié aucun de ces caractères ; elle y a ajouté seulement un caractère nouveau en faisant alliance avec les idées, tout du moins avec les tendances socialistes : ce trait est digne d’être remarqué. Il est curieux et non pas peut-être sans enseignement de le retrouver dans des publications très différentes, écrites aux points de vue les plus divers, à beaucoup d’égards les plus opposés. Un tel accord, malgré des dissidences d’ailleurs si profondes, mérite sans doute qu’on en tienne compte. L’exagération mise de côté, les remèdes empiriques écartés, il indique une direction de l’opinion vers cet ordre de questions qui intéressent le sort des classes populaires, et par là les bases même de la société, et qui ont reçu plus particulièrement le nom de questions sociales ; il indique une certaine préoccupation vive, ardente du rôle de l’état, qui, saisie habilement et exploitée avec sûreté, avec mesure, peut être pour les gouvernemens un ressort utile, un moyen de popularité, au lieu d’être suspendue sur leur tête comme une menace de révolution. Un temps où les intelligences, où les imaginations les plus hardies s’accordent en général à se tourner vers l’état et reconnaissent par l’exagération même de cette vérité que le bien ne peut venir qu’à la condition d’une autorité forte, offre assurément des garanties profondes à l’esprit d’ordre. Quant aux attaques dont le régime constitutionnel est l’objet au point de vue purement politique, nous croyons les avoir appréciées. Les critiques qu’elles expriment, non plus que les inquiétudes et les dégoûts dont elles font preuve, ne sont de nature à ébranler la confiance que le gouvernement représentatif, par une expérience déjà suffisante et par la comparaison avec tous ces gouvernemens qu’on lui propose pour modèles, a pu légitimement prendre de lui-même. Ces inquiétudes passagères, ces dégoûts momentanés sont d’ailleurs chez lui des accidens naturels. Le gouvernement absolu passe son temps à cacher ses plaies, le gouvernement constitutionnel à étaler les siennes. Sans Mme de Sévigné, qui saurait que sous l’ancien régime des paysans furent pendus pour avoir jeté des pierres dans le jardin d’un seigneur ? Sous notre régime, il ne se commet pas à l’égard du plus obscur citoyen une injustice sans qu’elle retentisse par la voix des journaux d’un bout de la France à l’autre. Le mal ne s’accomplit qu’au milieu des