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ne faut-il pas beaucoup s’étonner qu’en définitive les progressistes espagnols aient voté contre le cabinet Narvaez après avoir applaudi aux paroles de son chef. Ce que nous voyons, pour nous, dans un tel fait, c’est une preuve de la réelle puissance du ministère nouveau. Il se peut qu’il se modifie dans sa composition ; il serait utile, par exemple, que M. Mon, qui a été nommé président du congrès à une majorité considérable, reprît le portefeuille des finances. C’est, à notre avis, le changement le plus urgent et qui pourrait avoir le plus de résultats heureux. L’autorité du cabinet espagnol et son action s’en trouveraient accrues sans aucun doute. Dans tous les cas, du reste, le ministère Narvaez a rendu un éminent service à la Péninsule en l’arrêtant sur la pente fatale où on l’entraînait. Il lui appartient maintenant de continuer son œuvre.

En Italie, l’intérêt et l’attention sont plus que jamais concentrés sur Rome, où se développent les premiers rudimens bien informes encore de la vie constitutionnelle, car, il faut bien se l’avouer, en dépit de tous les efforts tentés pour réduire la consulta di stato au rôle de simple comité consultatif, la nouvelle institution n’est rien moins qu’une assemblée des notables, une véritable représentation nationale. Si l’on n’en convient pas, on se le dit tout bas, et l’on n’a point trouvé étrange que ce conseil privé copiât, dès les premiers jours, les formes de nos grandes assemblées délibérantes : on a eu un discours de la couronne, on y a répondu par une adresse, conçue du reste en des termes fort propres à justifier les prétentions des Italiens à l’exercice des fonctions parlementaires, et qui fait honneur au jeune secrétaire de la commission de l’adresse, M. Minghetti, député de Bologne. La réponse de la consulta se distingue par un ton de convenance, de modération, et à la fois de fermeté fort remarquable. Sans chercher à outrepasser ses pouvoirs, et tout en se maintenant strictement dans les limites de ses attributions, la consulta ne croit pourtant pas devoir abdiquer un certain droit d’initiative ; elle promet au gouvernement du pape un concours actif et loyal dans l’accomplissement des réformes qui seront soumises à son examen et appelle en même temps son attention sur quelques points qui lui paraissent réclamer des soins immédiats et une vigilante sollicitude. Cette adresse a effacé en partie certaines impressions fâcheuses laissées dans les esprits par le discours du pape, où l’on avait vu à tort, selon nous, une variante de celui du roi Frédéric-Guillaume à la diète prussienne. Pie IX, on doit le dire à sa louange, a jusqu’ici montré une droiture et une sincérité qui ne permettent pas d’assimiler sa conduite aux élans capricieux et aux allures inquiètes et fantasques du monarque allemand. C’est à tort qu’on lui a attribué de sourdes velléités d’opposition. Quelques paroles un peu vives qui lui ont été reprochées s’appliquaient seulement aux dangers dont on lui montre sans cesse la foi menacée par ses réformes dans l’ordre purement temporel. Ce n’est qu’en exploitant ses scrupules religieux que les rétrogrades ont pu jeter parfois le doute dans son esprit et ébranler ses résolutions. Quoi qu’il en soit, la confiance est revenue à Rome ; l’action régulière de la consulta a succédé aux agitations du forum, et l’attention publique, détournée un instant des prédications des clubs, s’est concentrée sur les travaux dans lesquels cette assemblée déploie une remarquable activité. La consulta est divisée en quatre sections qui élaborent séparément les différens projets de loi, concernant les finances, l’administration intérieure, les travaux publics et la rédaction des codes. Ces quatre comités se réunissent ensuite