Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/1149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croissemens successifs de la ville de Nancy. Il rappelle les faits notables qui se rattachent à son histoire et à celle de la Lorraine et de ses ducs. M. de Dumast s’attaque hardiment aux préjugés les plus enracinés dans le pays dont il raconte l’histoire. Peut-être même son zèle de rectification est-il poussé trop loin, particulièrement en ce qui touche le règne de Stanislas. L’expression de vandalisme doucereux appliquée au système de ce prince nous paraît, sinon injuste en présence des faits nouveaux que M. de Dumast nous révèle, au moins trop sévère, et quelques éloges accordés de mauvaise grace ne rachètent pas ce qu’il y a d’excessif ici dans les reproches. Pour nous, c’est une preuve suffisante des mérites de Stanislas que d’avoir pu, malgré les glorieux et touchans souvenirs de ses deux prédécesseurs, parvenir à faire oublier sa qualité d’étranger, et, marchant à la postérité avec un cortége de vertus vraiment royales, d’avoir mérité d’unanimes et incontestables regrets. Si d’ailleurs le livre de M. de Dumast mérite en général de sincères éloges au point de vue de l’exposé des faits historiques, si c’est peut-être le seul ouvrage qui donne un résumé clair et correct de la carrière fournie par les souverains d’Austrasie, notamment de l’époque de transition qui précéda et amena l’absorption de la Lorraine par la France, on peut y relever cependant quelques erreurs de détail, quelques assertions hasardées, quelques traditions trop légèrement acceptées. Ainsi, entre autres méprises, dont au reste quelques chroniqueurs partagent avec lui la responsabilité, il en est une surtout que nous ne saurions passer sous silence. Il nous a paru que M. de Dumast avait complètement méconnu le caractère du grave événement qui a décidé en quelque sorte de l’annexion de la Lorraine à la France nous voulons parler de l’occupation de Nancy par les armées de Louis XIII. Nous ne saurions admettre l’exposé des transactions relatives à l’entrée des troupes françaises à Nancy ni dans l’ensemble, ni dans les détails ; la plupart des faits que rapporte M. de Dumast sont en contradiction directe avec tous les documens les plus authentiques. M. de Dumast est tombé dans une grave erreur quand il a attribué les revers du duc Charles de Lorraine à la mauvaise foi et au parjure du ministre de Louis XIII. La duplicité et l’astuce furent au contraire les armes habituelles du duc lorrain. Seulement elles ne parvinrent pas à triompher de la vigilance, du génie et de la fermeté de Richelieu. Nous ne saurions donc partager l’opinion que l’auteur émet comme en passant sur ce grand ministre. Nous déplorerons avec lui les nécessités cruelles de la politique du cardinal ; mais il n’en faut pas moins reconnaître que Richelieu a sauvé la France d’un démembrement, et qu’il a rappelé aux grands et aux princes ce respect pour les lois qu’alors ils observaient si peu.

M. de Dumast, dans les notes qui accompagnent son livre et qui en sont le développement raisonné, a qualifié aussi d’une manière bien sévère le caractère et la personne de Louis XIV. L’histoire a jugé plus favorablement le roi et le politique, et, si l’homme privé semble plus vulnérable, il fallait du moins passer sous silence des écarts dont les princes ses contemporains ne surent pas mieux se garder. Un parallèle entre le grand roi et Charles IV de Lorraine démontrerait, même à ce point de vue, que les convenances étaient plus sérieusement encore méconnues par le duc lorrain.

M. de Dumast est plus heureux quand il nous décrit les règnes de Léopold, et de François IV. Sa plume retrace avec beaucoup de charme les merveilles