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eut surtout à souffrir. En 1834, l’industrie et le commerce durent leurs embarras à une production excessive ; en 1836 et 1837, au contre-coup de la ruine des banques américaines. Des compagnies qui s’étaient multipliées chez nos voisins sous le nom de banques par actions ou banques à capitaux-unis (joint-stock banks), malgré le désavantage de n’être pas reconnues par la loi et d’entraîner la solidarité illimitée de tous leurs membres, avaient favorisé, par le débordement de leurs émissions, l’élan inconsidéré des producteurs et l’encombrement des magasins. Si la banque d’Angleterre, lorsque les mauvaises récoltes de 1838 et 1839 vinrent s’ajouter à ces causes de gêne, avait été réduite à ses seules ressources, si elle n’avait pas obtenu un appui au dehors, il a été démontré par M. Loyd, à l’aide des relevés de la réserve métallique et du montant des opérations, qu’elle aurait entièrement desséché son trésor. Peut-être eût-elle trouvé alors, comme en 1825, un autre expédient pour éviter la suspension des paiemens en numéraire ; toujours est-il que le prêt de 50 millions consenti par la Banque de France la dispensa d’une épreuve hasardeuse. Ainsi, cette fois encore, et par une autre voie, on s’écartait du principe de l’isolement, auquel la banque d’Angleterre a été obligée, par le bill qui la régit depuis trois ans, de se cramponner en 1847.


II.

La crise financière et commerciale de cette année présente un caractère distinct, sous beaucoup de rapports, de celui des crises passées, et soulève, outre des questions communes à toutes les situations analogues, d’autres questions qui lui sont exclusivement propres. On a vu, en 1847, le singulier contraste d’un crédit commercial très sain et d’une circulation plus embarrassée qu’à des époques où le crédit était profondément vicié. La détresse monétaire n’a pas éclaté tout d’un coup ; elle ne s’est pas manifestée, comme en 1825, par une panique venant à la suite des désordres du commerce et vidant les caveaux de la banque. A proprement parler même, il n’y a pas eu de panique : il y a eu resserrement dans la circulation, resserrement graduel et prévu, au moins depuis les derniers mois de 1846.

L’an passé, au mois d’août, la banque, dont les coffres regorgeaient d’or[1], voulant mettre son escompte plus en rapport avec le taux de l’intérêt de l’argent, l’avait réduit de 3 et demi à 3 pour 400. Comme les directeurs sont en cette matière d’une prudence extrême, l’abaissement d’un demi pour cent témoignait en faveur de l’état industriel et commercial du pays. A peine cette mesure avait-elle été décidée, que des symptômes défavorables se manifestèrent dans les changes étrangers. Nous nous trouvons ici à l’origine de la crise ; ces premiers pronostics, méritent d’autant plus de fixer l’attention, que presque toutes les famines monétaires débutent d’une façon analogue. Chez nous aussi les embarras s’étaient annoncés de même. Le tableau des changes est un indice à peu près infaillible de l’état du numéraire. Les grandes et subites variations qui agitent les cours témoignent généralement que l’équilibre ordinaire des importations et des

  1. La banque possédait alors 16,250,000 livres en numéraire (406 millions de francs environ).