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exportations est dérangé, qu’on est astreint à des paiemens extraordinaires en espèces, et que l’argent s’en va au dehors comme une autre marchandise, parce qu’il y trouve un placement plus avantageux.

Les premières altérations des changes avaient été regardées à Londres comme passagères et peu significatives. Elles prirent un autre aspect quand il fut certain que la récolte des céréales était très médiocre, et que les pommes de terre manquaient en Irlande et dans certains districts de l’Europe. Qu’il dût être indispensable de solder en espèces des importations supplémentaires de grains, on ne pouvait plus en douter. Vers la fin de l’année, le numéraire commença en effet à être demandé de l’extérieur pour des sommes considérables, et l’état des changes avec les principaux pays d’approvisionnement, l’Amérique et la Russie, se trouva définitivement contraire. On voit alors baisser graduellement le chiffre des valeurs métalliques des deux départemens de la banque d’Angleterre. Du mois d’août au mois de décembre, ces valeurs avaient flotté entre 14 et 16 millions sterling, ne s’écartant guère du chiffre habituel, qui paraît être d’environ 15 millions (375 millions de francs). Du mois de décembre au mois d’avril, l’encaisse tomba au-dessous de 10 millions, pour baisser encore dans les mois suivans. En France, la diminution des espèces de la Banque s’était fait sentir un peu plus tôt : quand on compare la moyenne des situations en 1845 et en 1846, on voit que la différence entre les encaisses des deux années est de près d’un tiers en faveur de 1845. Durant le premier trimestre de 1847, le numéraire a encore subi une diminution considérable[1], pour se relever un peu dans le trimestre suivant.

Ces graves symptômes provoquèrent de l’un et de l’autre côté du détroit des mesures analogues qui ont été jugées déjà ici même au point de vue du rôle particulier de la Banque de France et des intérêts du travail national[2]. Les deux grands établissemens financiers de Paris et de Londres élevèrent le même jour, 14 janvier, le taux de leur escompte, mais suivant des proportions différentes. Pendant que la Banque de France portait son chiffre de 4 à 5 pour 100, la banque d’Angleterre se contentait d’abord de rehausser le sien au taux de 3 et demi, où il était au mois d’août précédent. A peine huit jours s’étaient-ils écoulés, qu’elle adopta le chiffre de 4 pour 100. Trois mois plus tard, les directeurs, voyant les réserves métalliques décroître de plus en plus, fixèrent enfin l’escompte à 5 pour 100. Une autre restriction fut alors imposée au commerce jusque-là on avait continué à recevoir les effets à quatre-vingt-quinze jours d’échéance ; on fit entendre, sans préciser aucun terme, qu’on n’admettrait désormais les billets qu’à une échéance plus courte. L’escompte à 5 pour 100 ne paraissait pas devoir être dépassé ; on s’était même mis à espérer, au moins par intervalles, le retour prochain à un taux moins exorbitant, quand une nouvelle augmentation fut annoncée comme imminente vers la fin de juillet. Le 5 août dernier, l’escompte a été effectivement élevé d’un demi pour 100. La situation

  1. La moyenne de l’encaisse de 1845 est de 236 millions ; celle de 1846 de 171 millions. Pendant le premier trimestre de 1847, la moyenne tomba à 66 millions, pour remonter à 77 durant le second trimestre.
  2. Voyez, dans les livraisons du 1er et du 15 février 1847, un remarquable travail de M. Michel Chevalier sur les Subsistances et la Banque de France.