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qu’à ce qu’enfin il fut bien constaté que la direction du cabinet avait passé en d’autres mains. Le titre était d’un côté, l’autorité réelle était de l’autre. Cette situation n’était pas bonne ; elle était contraire aux principes de notre gouvernement, qui ne veulent pas que les attributions et la responsabilité se trouvent divisées, et ce qu’elle avait d’irrégulier devint encore plus manifeste quand M. le maréchal Soult eut résigné le portefeuille de la guerre, comme s’il eût voulu s’y prendre à deux fois pour se séparer entièrement du pouvoir. On comprend que ses collègues se soient fait un scrupule de se conformer à toutes ses convenances et d’attendre son heure. Enfin aujourd’hui M. le duc de Dalmatie a pensé que le moment de la retraite était venu pour lui, et il a demandé au roi le repos de ses vieux services. En lui accordant ce repos, la couronne a décoré le lieutenant de Napoléon d’un titre qui, dans les anciens temps, fut accordé de loin en loin à des illustrations militaires. C’est une politesse royale qui, en vérité, ne mérite pas tout le bruit qui a été fait à cette occasion. Le gouvernement des invalides avait été mis à la disposition de M. le maréchal Soult ; à cette situation, il a préféré un titre sans traitement et sans attributions. Ce titre l’a comblé de joie ; il charmera sa vieillesse. Une satisfaction aussi innocente devait-elle soulever tant de critiques et de clameurs ?

Revenons aux choses vraiment sérieuses. En passant des mains de M. le maréchal Soult dans celles de M. Guizot, la présidence du conseil doit reprendre toute son importance ; s’il en était autrement, le statu quo eût été préférable pour le cabinet. A coup sûr, M. le ministre des affaires étrangères verra dans son avènement une obligation et un moyen d’imprimer à la marche des affaires une direction plus une et plus ferme. Ce n’est pas un médiocre avantage pour le nouveau président du conseil que ses droits à cette prééminence soient si généralement reconnus. Sur ce point, adversaires et amis sont d’accord. On avait parlé d’un antagonisme secret entre les deux principaux ministres du cabinet ; tout cela était sans fondement. La force des choses, aussi bien que le consentement de ses collègues, a porté M. Guizot à un poste qu’il méritait depuis long-temps sans l’occuper.

Cette nouvelle modification du 29 octobre ne doit pas être stérile. Jamais il n’a été plus nécessaire pour le pouvoir de se rendre bien compte de la situation morale du pays. Quelle est la véritable valeur des manifestations politiques dont nous avons en ce moment le spectacle ? N’y a-t-il pas là des indications dont un pouvoir prévoyant et avisé doit faire son profit ? Qui mieux que M. le ministre des affaires étrangères, avec l’impartiale élévation de son esprit, peut distinguer ce qu’il y a de mûr et de pratique dans les réformes demandées ? Il ne saurait ignorer que, dans les conseils-généraux, où assurément les novateurs téméraires n’ont pas la majorité, il s’est manifesté de notables tendances à poursuivre des améliorations tant administratives que politiques. Dans ces assemblées, les hommes les plus conservateurs trouvent excessif le nombre des fonctionnaires siégeant à la chambre ; il y en a beaucoup qui ne voient dans l’adjonction des capacités qu’un développement naturel de l’esprit de la charte ; d’autres enfin envisagent les changemens judicieux qui pourraient être faits à la loi des élections de 1831 comme un gage de stabilité, comme un moyen habile et sûr de combattre les théories des partis extrêmes. De pareils sentimens ne doivent-ils pas être pris en sérieuse considération par le pouvoir ? En dépit des sombres pein-