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eût son effet pour le semestre qui devait échoir dans quelques jours, il mettrait à leur disposition les cinq cents actions de la banque dont le gouvernement grec est encore aujourd’hui propriétaire. Enfin, si la valeur de ces cinq cents actions devait être complétée, le trésor y pourvoirait en numéraire. Était-ce assez loin pousser les sacrifices ?

Quand la France, l’Angleterre et la Russie fondaient à Athènes un état indépendant, quand elles arrachaient la Grèce à la domination à la fois impuissante et cruelle de l’empire ottoman, elles obéissaient à des vues grandes et sages qu’elles ne sauraient aujourd’hui répudier. À côté et au-dessus des stipulations littérales de la convention de 1832, il y a l’esprit même du traité, et cet esprit, au tribunal de l’opinion, est encore plus obligatoire que la lettre même. C’est ce que depuis quinze ans a toujours pensé la France, qui n’a pas cessé de venir en aide à la Grèce. Dans ces derniers temps encore, elle encourageait les efforts que faisait M. Coletti pour éclaircir une situation financière si embarrassée et si difficile ; elle l’excitait à trouver les moyens d’arriver, dans un avenir déterminé, à la liquidation de la dette contractée envers les puissances. Si la Russie n’a pas témoigné à la Grèce une bienveillance égale à la nôtre, si son représentant, M. Persiani, n’a pas donné au cabinet d’Athènes les mêmes conseils que M. Piscatory, du moins il faut lui rendre cette justice, qu’elle n’a pas partagé les exigences avides et hautaines de lord Palmerston. Son attitude a été plus calme et plus généreuse. D’ailleurs, le gouvernement russe, par des actes récens, a montré combien il était riche en numéraire ; ira-t-il malmener un débiteur dont la bonne foi n’est pas suspecte ?

Il ne faut pas se dissimuler que la disparition de M. Coletti de la scène politique compromet sérieusement la tranquillité et l’avenir de la Grèce, en remettant en question les résultats conquis par une politique ferme et modérée. Coletti n’avait pas encore fermé les yeux, que ses ennemis ne gardaient plus de mesure dans l’expression de leur haine et de leurs espérances. Quelques organes de la presse d’Athènes nous en ont donné la triste preuve. Dès que M. Coletti eut succombé, la minorité vaincue dans les élections s’est considérée sur-le-champ comme maîtresse du pouvoir, et, s’inspirant à la fois de ses propres passions et des suggestions de sir Edm. Lyons, elle a déjà fait connaître à quelles conditions elle accepterait le ministère. Elle demande avant tout deux choses, une amnistie générale pour tous les révoltés et la dissolution de la chambre nouvellement élue. Or, promulguer une amnistie générale au moment où, sur plusieurs points, la révolte a éclaté et se prolonge encore, n’est-ce pas affaiblir le pouvoir, qui déjà, par la mort de M. Coletti, reçoit une rude atteinte ? Mais la minorité qui s’appuie sur l’Angleterre songe surtout à ses affaires ; aussi veut-elle dissoudre la nouvelle chambre, dussent d’autres élections amener la guerre civile. A quel parti s’arrêtera le roi Othon ? C’est ce qu’il est impossible de prévoir, surtout quand on songe à l’indécision de caractère de ce prince, dont, au reste, les intentions sont loyales. Aura-t-il la force de maintenir son gouvernement sur le terrain conquis depuis quatre ans ? Coletti ne laisse-t-il après lui aucun homme capable de continuer sa politique ? On a prononcé le nom de M. Rigas Palamidès. Jamais la mort d’un homme politique n’aura pris plus au dépourvu un pays et un gouvernement. Coletti disparaît à cinquante-neuf ans, après avoir puissamment contribué à l’affranchissement de son pays, mais sans