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de relever le crédit, de remanier les impôts, enfin de replacer les finances de la France dans un état normal. La tâche reste entière.

Malgré 237 millions d’accroissement naturel des revenus depuis 1840, les déficits des budgets ordinaires, à dater de la même époque, monteront, à la fin de 1848, à 518 millions, et auront absorbé, à peu de chose près, toutes les réserves de l’amortissement disponibles depuis 1842. L’emprunt de 450 millions, négocié en 1841 et en 1844, sera presque totalement épuisé à la même époque sans que les travaux auxquels il devait subvenir soient complètement achevés. Tous les autres travaux du budget extraordinaire, travaux civils, militaires ou maritimes, sont donc tombés à la charge de la dette flottante, c’est-à-dire ont été votés, entrepris, et doivent être payés sans qu’aucune ressource leur ait été préalablement affectée. La dette flottante, qui supportait déjà le poids de 256 millions des déficit antérieurs à 1840, était, au 1er janvier 1847, de 452 millions ; elle atteindrait à la fin de 1848 le chiffre de plus de 800 millions, si le nouvel emprunt ne venait pas la dégager ; sans l’écoulement d’une partie de cette dette dans la dette fondée, elle aurait presque doublé en deux ans. L’émission des bons du trésor, qui montait à 55 millions au 1er janvier de cette année, s’est élevée à près de 200 millions en quatre mois. Avant la fin de la session, il a fallu demander l’autorisation de la porter à 275 millions. L’intérêt de ces mêmes bons s’est accru en six mois de 2 à 2 et demi, 3, 3 et demi, 4, 4 et demi, et 5 p. 100. On a diminué la valeur des coupures, rapproché la date des échéances, pour attirer tous les capitaux, les plus petits comme les plus timides. Enfin, bien que M. Lacave-Laplagne eût déclaré en mars dernier qu’un emprunt serait inutile avant nombre d’années, pressé par une nécessité impérieuse, M. Dumon, trois mois après, a demandé l’autorisation de contracter un emprunt de 350 millions, et il annonce l’adjudication de la portion la plus considérable au moment où l’argent est le plus cher pour le gouvernement et pour les particuliers, lorsque les communes et les départemens viennent d’être autorisés à faire eux-mêmes des emprunts, quand les compagnies de chemins de fer obtiennent à si grand’peine des versemens nouveaux de leurs actionnaires, et pendant que la situation financière d’un pays voisin déprime toutes les valeurs. Le déficit s’est précipité sur nous comme une avalanche, grossissant à chaque pas, renversant tous les paradoxes financiers, et s’accroissant tous les mois de 10 à 15 millions. Ce mystère peut s’expliquer en deux mots. Les travaux publics devaient s’effectuer au moyen des réserves de l’amortissement ; ces réserves ont toutes été employées à couvrir les déficits du budget ordinaire, et, le budget extraordinaire étant dépourvu de ressources, on a doublé la dépense.

Quand les affaires vont mal, chacun cherche à dégager sa responsabilité. On accuse toutes choses et tout le monde. Il semble que personne