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passagères. Peut-elle modérer celui de l’Algérie, l’expédition de la Kabylie, entreprise malgré le vœu évident des chambres, nécessite pour l’avenir un accroissement de forces. Est-il facile de retrancher sur les frais du matériel de la marine, quand les comptes de 1846 nous apprennent que, tout l’argent dépensé, la moitié des constructions promises n’a pas été réalisée, et lorsque, malgré l’augmentation annuelle des allocations, notre matériel naval continue à subir une décroissance progressive ?

On le voit, il faudrait, pour arriver à des économies sur ces objets, les seuls où l’on pût en opérer de considérables, que les moyens de réduction n’eussent pas été, pour ainsi dire, paralysés à l’avance. Il faudrait que, loin de défendre pied à pied contre les chambres toutes les augmentations de crédits, comme si chambres et gouvernement avaient des intérêts contraires, le pouvoir fût le premier à opérer de larges réductions par la suppression des abus et des vices d’organisation. Telle n’est pas sa pente naturelle. Les conseils sont insuffisans, les votes seuls auraient de l’efficacité ; mais des votes financiers importans deviennent des votes politiques, et ici des considérations d’un autre ordre font taire, chez la majorité, la raison financière. Les commissions de budget, composées d’hommes sincèrement économes et politiquement timides, se réduisent de leur plein gré à la tâche ingrate d’une vérification de chiffres, à l’occupation mesquine d’arrêter çà et là quelques mentes accroissemens de dépenses. Elles perdent tout crédit devant les chambres par la médiocrité des résultats qu’elles apportent, et le plus souvent leurs faibles économies n’obtiennent pas le suffrage de l’assemblée. Le travail de la commission des crédits supplémentaires et extraordinaires est encore plus stérile : il consiste à régulariser des dépenses effectuées et à sanctionner des dépenses en faveur desquelles on a soin de faire valoir toujours les plus grands intérêts publics. Lors du vote de ces crédits, presque aucune réduction ne peut être proposée sans entraîner un blâme direct de la conduite des ministres ou une question de cabinet. Cette année, M. Guizot demandait un crédit de 850,000 fr. dépensés à l’avance, l’année dernière, sur un chapitre doté seulement de 150,000 francs, et, pendant que l’escadre qui devait porter des renforts à Taïti doublait le cap Horn, les chambres avaient à discuter si un accroissement de 2 millions était bien nécessaire au moment même de la pacification de nos établissemens océaniens.

A l’égard des lois spéciales, les chambres pourraient se montrer sévères sans craindre de troubler l’harmonie politique ; le seul inconvénient serait de déplaire : c’est déjà beaucoup dans le temps où nous vivons. Aussi les députés, bien que cela paraisse peu au milieu des séances publiques, sont pleins de complaisance et de courtoisie les uns