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— Ce sont les paroles mêmes de notre loi. Personne ne peut plus entrer dans notre communion.

— Je pensais que l’initiation était ouverte à tous.

— Aux djahels (ignorans) qui sont de notre peuple, et qui s’élèvent par l’étude et par la vertu, mais non pas aux étrangers, car notre peuple, est seul élu de Dieu.

— Cependant vous ne condamnez pas les autres.

— Pas plus que l’oiseau ne condamne l’animal qui se traîne à terre. La parole vous a été prêchée et vous ne l’avez pas écoutée.

— En quel temps ?

— Du temps de Hamza, le prophète de notre seigneur Hakem.

— Mais avons-nous pu l’entendre ?

— Sans doute, car il a envoyé des missionnaires (days) dans toutes les îles (régions).

— Et quelle est notre faute ? nous n’étions pas nés.

— Vous existiez dans d’autres corps, mais vous aviez le même esprit. Cet esprit immortel comme le nôtre est resté fermé à la parole divine. Il a montré par là sa nature inférieure. Tout est dit pour l’éternité.


On n’étonne pas facilement un garçon qui a fait sa philosophie en Allemagne, et qui a lu — dans le texte original — la Symbolique de Kreutzer. Je concédai volontiers au digne akkal sa doctrine de transmigration, et je lui dis, partant de ce point :

— Lorsque les days ont semé la parole dans le monde, vers l’an 1000 de l’ère chrétienne, ils ont fait des prosélytes, n’est-ce pas, ailleurs que dans ces montagnes ? Qui te prouve que je ne descends pas de ceux-là ? Veux-tu que je te dise où croît la plante nommée aliledj (plante symbolique) ?

— L’a-t-on semée dans ton pays ?

— Elle ne croît que dans le cœur des fidèles unitaires pour qui Hakem est le vrai Dieu.

— C’est bien la phrase sacramentelle ; mais tu peux avoir appris ces paroles de quelque renégat.

— Veux-tu que je te récite le catéchisme druse tout entier ?

— Les Francs nous ont volé beaucoup de nos livres, et la science acquise par les infidèles ne peut provenir que des mauvais esprits. Si tu es l’un des Druses des autres îles, tu dois avoir ta pierre noire (horse). Montre-la, nous te reconnaîtrons.

— Tu la verras plus tard, lui dis-je… mais au fond je ne savais de quoi il voulait parler. Je rompis l’entretien pour cette fois-là, et, lui promettant de le revenir voir, je retournai à Deïr-Khamar.

Je demandai le soir même au kaïmakan, comme par une simple curiosité d’étranger, ce que c’était que le horse ; il ne fit pas difficulté de me dire que c’était une pierre taillée en forme d’animal que tous