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couronne d’Angleterre, qui a jeté l’interdit et l’anathème sur les princes, sur le peuple et sur le clergé de la Grande-Bretagne. On peut rester en trêve avec lui, on peut même l’aider par quelque intervention indirecte, comme on le secourut en 1797, mais on ne peut conclure d’alliance et de paix avec lui sans transgresser ouvertement les lois du royaume. Nolumus leges Angliæ mutari. C’est l’avis du Standard. Il est vrai que le journal tory trouve encore moyen d’arranger les choses pour rompre « cet exécrable projet de reconnaître l’autorité papale dans l’empire britannique ; » le pape n’a qu’à « renoncer d’abord à cette autorité usurpée ; » on verra ensuite à traiter avec lui !

Ce n’est là que l’impuissante rébellion de ce torysme inintelligent qui soulevait autrefois les masses au cri de No popery ! Mais les masses aujourd’hui ne s’effraient plus si facilement ; elles s’inquiètent assez peu de savoir si la bulle In cœnâ Domini est ou n’est pas retirée. Le simple bon sens leur montre que, l’état subsistant par lui-même en dehors de l’église, il importe peu qu’il y ait deux papes au lieu d’un, puisque l’un pas plus que l’autre n’aura maintenant d’autorité sur l’état. Ce fut une grande affaire quand, il y a quelques années, un prélat irlandais osa prendre le titre de son diocèse et ajouter à son nom celui d’une ville déjà occupée par un siége anglican. La hiérarchie catholique s’asseoit aujourd’hui en Angleterre même à côté de la hiérarchie anglicane, sous la direction suprême du docteur Wiseman. La plus belle grace que l’on fera peut-être à l’église officielle, ce sera d’appeler M. Wiseman évêque de Westminster et non pas évêque de Londres, comme son collègue protestant ; mais il n’en sera pas moins un évêque anglais qui ne relèvera ni du parlement, ni de la reine. « Le pape, disait lord Clarendon, peut créer des évêques : mais il est coupable d’une impudente usurpation quand il donne des évêchés sur les domaines de sa majesté britannique. » Le temps est passé de ces pures maximes anglaises. Le Times, le journal anglais par excellence, parle sans trop de gêne « du pouvoir de contrôle » que le saint-siège exerce dans le royaume (a certain controlling power). C’est admettre, en langage d’à présent, que l’Angleterre doit, encore à la façon d’à présent, payer le denier de saint Pierre. Le catholicisme gagne probablement à des concessions si publiques ; mais il est un autre principe qui n’est ni catholique ni protestant, et qui gagne bien davantage encore à cette révolution : c’est le principe politique de la complète indépendance de l’état en présence des cultes qui peuvent se partager les individus.

La dernière victoire remportée par les troupes américaines dans le voisinage de Mexico sera-t-elle assez décisive pour amener la paix ? La paix, également désirée des deux côtés, est par malheur aussi difficile à signer d’un côté que de l’autre. Le Mexique n’a point de soldats pour faire la guerre sur les champs de bataille, et il a une populace indisciplinée pour la demander dans les rues. Un ancien ministre américain à Mexico faisait dernièrement un pitoyable portrait de cette armée qui vient d’être si souvent battue. Des recruteurs vont à la chasse des Indiens dans les montagnes, et les amènent enchaînés dans la capitale ; arrivés à la caserne, on les habille de toile ou de serge, puis on les exerce à marcher en colonnes dans les rues. Il n’y en a pas un sur dix qui, avant d’être enrégimenté, ait jamais vu un fusil ; pas un sur cent qui l’ait manié : dans une bataille entre Santa-Anna et Bustamente, les coups de canon ne portaient pas, et les boulets tombaient au beau milieu des deux armées. Nous faisons la part