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où le nom du duc d’Orléans est présenté comme offrant (moyennant garanties) une solution possible, on aura son dernier mot de ce côté. Depuis lors il n’a plus écrit dans le Globe, ni dans aucun journal quotidien politique.

La vie publique de M. de Rémusat, depuis 1830, ne nous appartient plus ; elle tient à un ordre de choses qui n’a pas atteint son développement et qui est, si l’on peut ainsi parler, en cours d’exécution. Allié de Casimir Périer et de La Fayette, tour à tour il paya tribut à ces deux alliances, mais par doctrine, par goût, il semble qu’il penche plutôt du côté de la dernière. Toute son ambition, après juillet, était de devenir député. Ce point obtenu, placé au cœur du mouvement politique, ami personnel de tous les hommes dirigeans, il fut long-temps avant de se décider aux fonctions officielles ; même quand il appuie et quand il conseille le pouvoir, c’est encore le rôle libre qui lui va le mieux. Une première fois sous-secrétaire d’état à l’intérieur dans le ministère du 6 septembre (1836), puis ministre avec M. Thiers dans le cabinet du 1er mars (1840), il est sorti de là de cet air de bonne grace et d’aisance qui ne surprend personne, et on n’a pas même l’idée de louer en lui le désintéressement, tant cette élévation de cœur lui semble facile. C’est depuis ces cinq années seulement, et dans son loisir très animé, qu’il a publié les ouvrages préparés ou composés auparavant : 1° ses Essais de philosophie (1842) ; 2° Abélard (1845) ; 3° un Rapport lu à l’Académie des sciences morales sur la philosophie allemande, qui forme tout un volume (1845) ; 4° enfin les mélanges sous le titre de Passé et Présent (1847). Nous dirons quelque chose de ceux de ces ouvrages dont nous n’avons point parlé.

On voit combien la philosophie est allée prenant chaque jour plus de place dans ses études ; ce qui avait été long-temps un culte secret a fini par éclater. Il s’y était fort remis durant la trêve de 1824 à 1828 ; mais sa philosophie alors était surtout de la métaphysique politique. Il rêvait, soit par manière d’examen critique, soit sous forme de traité dogmatique, une réfutation de M. de Bonald, de M. de La Mennais, surtout de l’Essai sur l’indifférence. Ce qu’il a écrit, nous dit-il, de notes, de plans d’ouvrage ou de projets de chapitre, en ce sens, est considérable. Il a même fait, 1° un examen suivi et page à page, avec critique et discussion, du livre de M. de La Mennais, travail qui ne fournirait pas moins de deux volumes ; 2° un Essai sur la nature du pouvoir, qui est un livre terminé. En même temps, il traduisait et extrayait Kant. — En 1832, au lendemain du ministère Périer et pendant les ravages du choléra, sentant le besoin d’une occupation forte, il se remit à Kant, comme on se mettrait à la géométrie. Il fut conduit par cette étude à faire plusieurs mémoires détachés, qui pouvaient cependant se ranger dans un certain ordre, et il songea à rallier le tout