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elle est devenue tolérante, et par la tolérance elle s’est élevée jusqu’à l’impartialité. Nous ne parlons ici que de la science considérée d’une façon abstraite, car, en descendant dans le détail des couvres, on trouverait bien des affirmations qui, quoiqu’elles fassent autorité, n’en sont pas moins contestables, et à côté de quelques esprits supérieurs bien des médiocrités intelligentes. Toujours est-il que le progrès, et un progrès immense, est incontestable, et, si dans le nombre vraiment prodigieux des livres historiques qui sont éclos dans ces derniers temps il en est beaucoup dont on ne parle plus, dont on n’a même jamais parlé, la part des couvres durables est assez large encore pour nous faire honneur dans l’avenir.

Les méthodes dans le genre de celle de Lenglet du Fresnoy, qui formaient, dans le XVIII siècle, les prolégomènes indispensables des études historiques, ont complètement disparu pour faire place à des importations étrangères, à Herder, à Vico, à Hegel. Au-delà des faits qui constituent l’histoire de chaque peuple, on a créé de notre temps une histoire idéale de l’humanité. La métaphysique est ainsi redescendue du ciel sur la terre. Comme saint Anselme dans la question du réalisme, elle a cherché à démontrer qu’il y a non-seulement des individus humains, mais l’humanité qui est une, et que la vie des divers peuples ne constitue que les durées particulières d’une vie absolue dans laquelle tout s’enchaîne et tout vient s’absorber. C’est l’énigme de cette vie dont la philosophie de l’histoire, la science nouvelle, s’est appliquée de nos jours à chercher le mot. Cette science nouvelle, telle que nous l’ont donnée l’Allemagne et l’Italie, a été accueillie par l’esprit positif de notre nation avec une certaine défiance. On l’a accusée, non sans raison, de se montrer à l’excès dédaigneuse à l’égard de la chronologie, de plier les événemens au caprice des systèmes ; mais il est incontestable qu’elle a puissamment contribué à agrandir les horizons en forçant à réfléchir, en marquant la science des faits de cette empreinte que la pensée laisse sur tout ce qu’elle touche, en cherchant toujours à remonter de l’effet à la cause. La chronologie et l’histoire universelle donnent environ 20 ouvrages par année. Les manuels et les livres élémentaires sont en majorité. Il faut citer comme des publications importantes la nouvelle édition de l’Art de vérifier les dates, et le Cours d’histoire de M. Daunou.

L’histoire de l’antiquité a repris faveur, et s’est pour ainsi dire rajeunie. On réimprime toujours le bon Rollin, mais on a traduit Heeren et Niebuhr. C’est principalement vers Rome que se tourne la curiosité, et ici encore l’érudition a franchi ses anciennes limites. On étudie le monde antique dans ses rapports avec le monde moderne. La décadence païenne est mise en regard des origines du christianisme, et la science va s’agrandissant sans cesse par les comparaisons et les rapprochemens.

L’histoire sacrée et ecclésiastique, qui comprend, avec les annales générales de l’église, les vies des saints, l’histoire des ordres religieux, des papes et des conciles, a pris depuis 1830 un développement considérable. Le tableau suivant donnera l’idée de cette progression :


1833 34 ouvrages 1841 77
1836 63 1843 89
1838 71 1845 121